lundi 2 février 2015


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Stephen Hawking, le mythe du génie solitaire

Chercheur brillant mais lourdement paralysé, le théoricien britannique est, contrairement à l'image qu'on se plaît à donner de lui, l'antithèse du savant solitaire armé de la seule puissance de son cerveau.

L'essentiel

- Stephen Hawking est un brillant théoricien en astrophysique et en cosmologie.
- Il souffre depuis les années 1960 d'une maladie qui le prive de ses mouvements et de la parole.
- Il communique avec son entourage grâce à des machines, et ne peut poursuivre ses recherches qu'avec l'aide de ses étudiants et collègues.
- Cette dépendance souligne le caractère collectif de l'activité de Hawking et, par extension, celle de tout scientifique.
Stephen Hawking est l'un des rares scientifiques actuels ayant acquis une renommée internationale au sein du grand public. Célèbre pour ses travaux sur les singularités dans l'espace-temps et les trous noirs, cet astrophysicien théoricien britannique, aujourd'hui âgé de 73 ans, a aussi marqué les esprits par sa condition physique. Lourdement paralysé par la maladie de Charcot (sclérose latérale amyotrophique) qui l'a atteint dès les années 1960, Hawking ne peut ni bouger ni parler ; il communique grâce à un dispositif lui permettant de sélectionner des mots sur un écran par une légère contraction de la joue et un rayon infrarouge attaché à ses lunettes, mots prononcés ensuite par un synthétiseur vocal. Et pourtant, il poursuit son activité scientifique.
Ces deux aspects de sa personne, son talent scientifique et son lourd handicap physique, ont en partie contribué à faire de Hawking une icône. Une icône encore renforcée par le film Une merveilleuse histoire du temps, de James Marsh, qui sort ces jours-ci sur les écrans (voir l'illustration page 66).
Le 8 janvier 2013, le jour de l'anniversaire de Hawking, j'ai publié un article dans le magazine en ligne Wired afin de parler de cet astrophysicien d'une façon nouvelle, en soulignant le rôle crucial joué par son entourage humain et matériel. L'article plut dans un premier temps, mais cela ne dura pas longtemps. Le tabloïd anglais Daily Mail s'en empara, l'interpréta de travers et me transforma en un monstre attaquant un héros national, qui plus est un homme profondément handicapé. L'article du Daily Mail devint viral. Je fus extrêmement choquée par la réaction que suscita mon texte, par la malhonnêteté des journalistes, mais aussi par ce qu'Internet, de par son anonymat, permet : j'ai reçu des courriels d'une violence et d'une cruauté inouïes.
J'avais touché, semble-t-il, une corde sensible. J'avais touché à un mythe de notre modernité, si bien incarné par Hawking : l'idée qu'un homme seul, aujourd'hui incapable de bouger et de parler, puisse atteindre les lois ultimes de l'Univers grâce à la seule force de son entendement. La science est souvent représentée comme étant le produit d'un puissant cerveau ou d'un pur et bel esprit ; or en montrant que, contrairement à l'idée reçue, Hawking n'est pas un pur cerveau, mais qu'il dépend d'un réseau complexe composé de machines et d'humains lui permettant de penser, j'avais non seulement déstabilisé l'image du héros scientifique, mais également l'image de la façon dont la science fonctionne.
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