jeudi 15 septembre 2016

Aux origines génétiques de l'obésité

Selon une hypothèse émise en 1962, un gène favorisant le stockage des graisses a aidé nos lointains ancêtres à traverser les périodes de disette et expliquerait la pandémie actuelle d'obésité et de diabète. Les chercheurs pensent avoir identifié ce « gène d'épargne ».

Une personne obèse sur la plage
© Gettyimages/Kelly/Mooney Photography

En 1962, le généticien américain James Neel s'attaque à l'épineuse énigme du diabète de type 2. Pourquoi cette maladie se traduisant par des concentrations anormalement élevées de glucose dans le sang existe-t-elle ? S'il est d'origine génétique, ce diabète n'aurait-il pas dû disparaître avec les porteurs des gènes défectueux ?, se demande Neel. Nos ancêtres ne pouvant le traiter, il aurait dû affecter la reproduction de ses porteurs, qui n'auraient pas dû le transmettre. Bref, la sélection naturelle aurait dû éliminer le diabète de type 2 et sa prévalence – le pourcentage de gens atteints – n'aurait jamais dû augmenter.
Neel a passé beaucoup de temps à étudier des populations indigènes qui, bien qu'elles soient présumées porteuses du variant du gène lié au diabète de type 2, ne comptent presque pas d'obèses (l'obésité augmente le risque de développer un diabète de type 2). Le contraste entre ces peuplades et les sociétés développées lui suggéra une hypothèse. Des disettes assez sévères pour entraîner une famine durable s'étaient sûrement produites dans le passé ; au cours de ces périodes, les porteurs d'un variant de gène qui rend l'organisme particulièrement « efficace dans l'absorption ou l'utilisation des aliments » stockaient, sous forme de graisse, une grande partie des rares calories. Ce supplément de graisse aurait conféré aux porteurs de ce gène – dit « gène d'épargne » ou « gène économe » – un avantage en cas de famine. Durant les périodes d'abondance, comme c'est le cas de nos jours, ce caractère conduirait à un excès de poids et donc au diabète.

Le gène d'épargne, une idée cinquantenaire

L'hypothèse émise par Neel a été contestée, mais depuis un demi-siècle, elle perdure sous une forme ou une autre. Nous venons de la réexaminer et nous avons trouvé des raisons de la confirmer, pour l'essentiel.Toutefois, nous ne plaçons pas sa logique dans le passé humain, mais plutôt dans un lointain passé hominoïde, où vivaient des grands singes ancêtres des hominidés. Si nous avons raison, alors notre approche éclairera l'émergence du genre Homo et désignera un gène particulièrement délétère, puisqu'il serait responsable de nombreuses pathologies modernes…
L'idée que notre organisme pourrait être génétiquement programmé pour stocker les graisses, de sorte que notre trop riche alimentation entraînerait la surexpression du gène d'épargne, a suscité d'intenses recherches. Les chercheurs se sont avant tout efforcés d'identifier le gène d'épargne supputé par Neel, ce gène censé être à l'origine du diabète, de l'hypertension (pression artérielle élevée), de la stéatose hépatique (présence de graisse dans les cellules du foie) non alcoolique et des maladies cardiaques.

Une histoire de changement climatique

Selon les détracteurs de l'hypothèse de Neel, les périodes de disette traversées par nos ancêtres humains étaient trop rares et trop brèves pour que des gènes favorisant le stockage des graisses soient sélectionnés. Par ailleurs, pointent-ils, aucun gène d'épargne n'a été identifié avec certitude pour le moment.
Neel et ses contemporains pensaient qu'un gène d'épargne était apparu à l'époque où les premiers humains parcouraient les plaines de l'Afrique de l'Est. L'histoire de notre lignée débute cependant beaucoup plus tôt, à une époque où les grands singes hominoïdes qui allaient donner les humains étaient encore relativement nouveaux. Or il s'agit d'une histoire pleine de crises climatiques, de famines et d'adaptations pour la survie.
Les premiers grands singes hominoïdes se seraient séparés du rameau simien il y a quelque 26 millions d'années, en Afrique de l'Est probablement. Du moins est-ce l'âge des plus anciens fossiles de Proconsul, le plus connu des hominoïdes anciens. Ces premiers hominoïdes étaient des quadrupèdes vivant la plupart du temps dans les arbres, comme les singes. Mais ils avaient un grand corps sans queue ainsi qu'un crâne, donc un cerveau, plus grand que celui de leurs cousins simiens.
L'Afrique était alors une étendue tropicale couverte de forêts d'arbres à feuilles caduques plus ou moins humides. Les hominoïdes s'y nourrissaient surtout de fruits et le registre fossile nous apprend qu'ils s'étaient diversifiés en 14 espèces différentes.
Le climat terrestre, toutefois, s'est peu à peu refroidi. Des calottes polaires se sont formées, ce qui a abaissé le niveau de l'océan mondial. Il y a quelque 21 millions d'années, le continent insulaire qu'était alors l'Afrique s'est rattaché à l'Eurasie par toute une série de ponts terrestres . Les fouilles effectuées en Turquie, en Allemagne et en Espagne par nombre de paléontologues (dont l'un de nous) montrent que des girafes, des éléphants, des antilopes et même des oryctéropes (des mammifères termitivores) ont migré d'Afrique en Eurasie. Des grands singes ont accompagné ces migrations, tels Griphopithecus et Kenyapithecus, dont on a retrouvé des traces près de l'actuel village turc de Pasalar.
Après leur arrivée en Eurasie, les grands singes ont d'abord prospéré dans les forêts subtropicales d'arbres à feuilles persistantes et les bois humides d'arbres à grandes feuilles, c'est-à-dire partout où il y avait des fruits en abondance. http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/article-aux-origines-genetiques-de-l-obesite-37367.php

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