lundi 5 octobre 2015

Neurosciences

L'étonnante plasticité du cerveau adolescent

À l'adolescence, le cerveau humain se reconfigure très vite. Ces transformations sont une source de risques, mais aussi d'avancées fulgurantes en matière de cognition et d'adaptabilité.

la tête d'un adolescent
Tina Empera, Cloutier/Remix ; Monica Cotto ; illustration : Harry Campbell ; photographie : Ethan Hill

L'essentiel

- Des études par IRM montrent que le cerveau adolescent a une capacité étonnante à reconfigurer ses connexions internes pour s'adapter à son environnement.
- Les adolescents ont des comportements à risque car leur système limbique, impliqué dans les émotions, se développe plus tôt que leur cortex préfrontal, qui contrôle les impulsions.
- Mieux comprendre leur cerveau aiderait à interagir avec eux et à distinguer les comportements normaux et pathologiques.

L'auteur

Jay giedd dirige le département de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'université de Californie à San Diego, aux États-Unis. Il est aussi professeur à l'université Johns Hopkins et rédacteur en chef de la revue Mind, Brain, and Education.
Les mots « cerveau » et « adolescent » vous semblent contradictoires ? La plaisanterie est commune. Certains neuroscientifiques sont allés jusqu'à expliquer les comportements risqués, agressifs ou déconcertants des adolescents comme la conséquence d'un cerveau dysfonctionnel.
C'est pourtant à une tout autre conclusion que sont parvenues les recherches des dix dernières années. Le cerveau des adolescents n'est pas défectueux. Ce n'est pas non plus un cerveau adulte à moitié fini. Il a été façonné par l'évolution pour fonctionner différemment de celui d'un enfant ou d'un adulte.
Tout d'abord, le cerveau des adolescents est étonnamment modifiable. Il reconfigure ainsi ses réseaux de communication internes pour répondre aux défis auxquels il est confronté. Cette souplesse particulière, ou plasticité, est une arme à double tranchant. Elle permet aux adolescents d'effectuer des progrès fulgurants dans le domaine de la pensée et de la socialisation, mais elle les expose aussi à des comportements dangereux et à des troubles mentaux graves, du fait de la transformation continuelle de leur cerveau.
Les études récentes indiquent que la tendance des adolescents à prendre des risques résulte d'une différence de maturité entre deux régions majeures du cerveau : d'une part, le système limbique, qui donne naissance aux émotions et qui parvient vite à un stade très actif après la puberté, et, d'autre part, le cortex préfrontal, impliqué dans le jugement et le contrôle des impulsions mais qui n'arrive à maturité que plus tardivement. Cette dernière région subit en effet des modifications importantes au moins jusqu'à l'âge de 20 ans.
Mieux comprendre ce décalage peut aider les parents, les enseignants, les conseillers – et les adolescents eux-mêmes – à dédramatiser. Des comportements tels que la prise de risque, la recherche de sensations fortes et l'éloignement de ses parents pour se rapprocher de ses semblables ne traduisent pas des problèmes cognitifs ou émotionnels. Ils résultent du développement normal du cerveau et sont une composante ordinaire de l'apprentissage des adolescents. Quand une fille de 15 ans se démarque des goûts vestimentaires, musicaux ou politiques de ses parents, ce n'est pas le signe d'une maladie mentale. De même, lorsqu'un garçon de 16 ans saute sur sa planche à roulettes sans casque ou relève les défis absurdes lancés par ses amis, le risque ne doit pas être sous-estimé, mais il résulte plutôt d'un manque de réflexion et de la pression de ses semblables que d'un désir de se blesser.
En revanche, d'autres agissements sont plus inquiétants, notamment quand ils sont empreints d'agressivité. Une meilleure connaissance du cerveau des adolescents aidera à différencier un comportement pathologique d'un autre qui nous semble inhabituel, mais qui est normal pour cet âge. Ainsi, nous pourrons sans doute atténuer les multiples difficultés auxquelles ils sont confrontés : addictions, maladies sexuellement transmissibles, accidents de la route, grossesses non désirées, homicides, dépressions, suicides...
Certains parents sont surpris d'entendre que le cerveau d'un jeune de 16 ans n'est pas identique à celui d'un enfant de 8 ans. Les chercheurs ont d'ailleurs eu du mal à identifier les différences. Enveloppé d'une membrane solide comme du cuir, baignant dans un liquide protecteur et entièrement entouré d'os, le cerveau est bien protégé contre les chutes, les attaques de prédateurs... et la curiosité des scientifiques !http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/article-l-etonnante-plasticite-du-cerveau-adolescent-35918.php

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