Le cortisol est généralement considéré comme l'hormone du stress car son taux augmente lors de stress aigus. Pourtant, son lien avec le stress chronique est moins clair. Des chercheurs du laboratoire Ethologie animale et humaine (CNRS/Université Rennes 1/Université de Caen) et de l'Institut de recherche en santé, environnement et travail (Inserm/Université Rennes 1), en collaboration avec l'université vétérinaire de Vienne, révèlent ainsi qu'un état chronique de mal-être est associé à un taux de cortisol plus bas chez des chevaux adultes observés dans leurs conditions de vie habituelles. Cette étude est publiée le 8 septembre 2017 dans la revue PLOS ONE.
Considéré comme l'hormone du stress par excellence, le cortisol nous permet de faire face à un événement important ou à un danger imminent. La production d'un pic de cortisol va mobiliser les ressources nécessaires (par exemple, en puisant dans les réserves de l'organisme pour produire de l'énergie), et ensuite permettre de revenir à un état d'équilibre. Mais quand le stress se prolonge ou se répète, l'organisme conserve-t-il cette capacité d'adaptation ? Certaines études font état d'une diminution du taux de cortisol lors de stress chroniques chez l'homme1 ou d'autres mammifères, mais on trouve aussi des résultats contraires. Dans ces conditions, le cortisol reste-t-il un indicateur fiable ?Pour répondre à cette question, des chercheurs rennais ont étudié 59 chevaux adultes (44 hongres et 15 juments) de trois centres équestres dans leurs conditions de vie habituelles : hébergement dans des boxes individuels (restriction spatiale et sociale) et travail avec des cavaliers inexpérimentés – autant de facteurs de stress potentiels qui, répétés, peuvent induire un état de mal-être chronique. D'une part, ils ont recensé différents indicateurs comportementaux et sanitaires de bien- ou mal-être de ces animaux. D'autre part, ils ont mesuré leur taux de cortisol à la fois à partir de prélèvements sanguins et de fèces. Ces chevaux, qui étaient dans ces conditions depuis au moins un an au moment de l'étude, ont ainsi été suivis pendant plusieurs semaines.
De manière surprenante, les chevaux en état de mal-être (oreilles en arrière, problèmes de dos, anémie,…) se sont révélés avoir un taux de cortisol plus faible que les autres chevaux. Ces résultats rejoignent des observations précédentes de l'équipe d'éthologie qui avaient révélé un taux anormalement bas de cortisol chez des chevaux présentant un syndrome « dépressif »2. Par ailleurs, le taux de cortisol calculé à partir des fèces est corrélé à celui obtenu par voie sanguine, ce qui ouvre la voie à une mesure non invasive du bien-être des chevaux.
Ce résultat peut sembler contre-intuitif mais pourrait s'expliquer par une usure du système face à un stress suffisamment long et intense. Au bout de combien de temps ce phénomène s'installe-t-il ? C'est l'une des questions auxquelles vont maintenant s'attacher les chercheurs. Cette étude montre en tout cas que le cortisol ne devrait pas être utilisé comme un indicateur absolu de stress ou de mal-être : un fort taux de cortisol peut aller de pair avec le « stress positif » qui pousse à se dépasser. A l'inverse, un faible taux n'est pas forcément le signe d'animaux non stressés. En-dessous d'une certaine valeur, il y aurait au contraire matière à s'inquiéter.
© Martine Hausberger
Cheval présentant un syndrome « dépressif »
Il est prostré (encolure plutôt basse, immobile) et indifférent à l'environnement comme en témoigne aussi son orientation vers le mur.
Le cheval partage avec l'homme le fait de travailler quotidiennement, ce qui peut avoir des conséquences physiques et « psychologiques ».
Il est prostré (encolure plutôt basse, immobile) et indifférent à l'environnement comme en témoigne aussi son orientation vers le mur.
Le cheval partage avec l'homme le fait de travailler quotidiennement, ce qui peut avoir des conséquences physiques et « psychologiques ».
© Martine Hausberger
Cheval avec les oreilles vers l'arrière, un indicateur de mal-être potentiel.
Dans cette étude, les chevaux étaient déclarés en état de mal-être chronique lorsqu'ils présentaient trois des quatre symptômes suivants : oreilles en arrière plus de la moitié du temps, problèmes vertébraux, anémie, nombre anormalement élevé de globules blancs neutrophiles).
Dans cette étude, les chevaux étaient déclarés en état de mal-être chronique lorsqu'ils présentaient trois des quatre symptômes suivants : oreilles en arrière plus de la moitié du temps, problèmes vertébraux, anémie, nombre anormalement élevé de globules blancs neutrophiles).
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Notes :
1 Chez des personnes en « burn-out » ou présentant des douleurs de dos chroniques, par exemple.Juster RP, Sindi S, Marin MF, Perna A, Hashemi A, Pruessner JC, et al. A clinical allostatic load index is associated with burnout symptoms and hypocortisolemic profiles in healthy workers. Psychoneuroendocrinology. 2011;36(6):797-805.
Muhtz C, Rodriguez-Raecke R, Hinkelmann K, Moeller-Bertram T, Kiefer F, Wiedemann K, et al. Cortisol response to experimental pain in patients with chronic low back pain and patients with major depression. Pain Med. 2013;14(4):498-503.
2 Ces chevaux montrent une attitude apathique, combinant périodes d'immobilité, prostration et absence de réactivité à l'environnement. (Towards an Ethological Animal Model of Depression? A Study on Horses, Carole Fureix, Patrick Jego, Séverine Henry, Léa Lansade, Martine Hausberger. PLOS ONE, 28 juin 2012. Consulter le site web)
Références :
Low plasma cortisol and fecal cortisol metabolite measures as indicators of compromised welfare in domestic horses, Jodi Pawluski, Patrick Jego, Séverine Henry, Anaelle Bruchet, Rupert Palme, Caroline Coste & Martine Hausberger. PLOS ONE, 8 septembre 2017.Consulter le site web
http://www2.cnrs.fr/presse/communique/5179.htm
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