mercredi 3 avril 2024

La méduse immortelle : vers une longévité accrue pour l’être humain

Mis à jour : 25 juil. 2023

La méduse immortelle : les secrets d’une longévité à toute épreuve se révèlent enfin ! L’immortalité de cette créature suscite stupeur, curiosité et ambition dans la communauté scientifique depuis plusieurs décennies. Le Biomimétisme et la méduse immortelle permettront-t-ils de développer les traitements révolutionnaires anti-âge de demain ?

Méduse immortelle, ou Turritopsis Dohrnii
Méduse immortelle, ou Turritopsis Dohrnii, © Yiming Chen

La méduse immortelle : entre mystère et fascination scientifique

La méduse immortelle : une créature hors du commun

Une méduse immortelle… Cela paraît tout droit sorti d’un roman ou d’une pellicule de science fiction. Elle est pourtant bien réelle et ses propriétés fascinent les biologistes et scientifiques depuis sa découverte. Cette méduse immortelle, de son nom scientifique Turritopsis Dohrnii, peut être trouvée dans la plupart des océans du globe et possède une espérance de vie quasi-illimitée. Et pour cause, elle ne peut pas mourir de vieillesse grâce à un mécanisme de réparation de son ADN ! Ce superpouvoir biologique n’empêche pas la méduse immortelle d’être vulnérable face à la prédation ou aux maladies qui sont donc ses principaux facteurs de décès. C’est donc une espèce qui suscite fortement lattention des scientifiques.
 

Mais pourquoi parle-t-on d’immortalité si la méduse finit par mourir ? En réalité nous parlons d’immortalité biologique, cela signifie que la méduse immortelle est capable de revenir au stade “juvénile” avant de se développer de nouveau. En effet, si la méduse immortelle adulte se retrouve menacée ou soumise à un stress environnemental trop important, elle revient au stade de polype qui équivaut chez l’être humain au stade embryonnaire. Ce polype se développe et aboutit au clone de son ancienne vie d’adulte.
 

Cette transformation n’a pas lieu sur seule volonté de la méduse, celle-ci se produit lorsque la survie de la méduse immortelle est très menacée : stress, manque de nourriture ou encore sénescence. La Turritopsis Dohrnii est capable de répéter ce processus adulte-polype-adulte indéfiniment, la rendant biologiquement immortelle. Elle inverse le vieillissement, comme si elle retournait en enfance… de la même manière que Benjamin Button, personnage bien connu que David Fitcher a mis à l’honneur dans son film au succès retentissant de 2008.
 

Cette méduse immortelle fut le premier cas connu d’animal capable de se transformer de nouveau en méduse juvénile après avoir atteint sa maturité sexuelle. Cette capacité remarquable et extrêmement rare suscite donc l’intérêt de nombreux scientifiques qui essayent de percer les secrets de cet être hors du commun

Cycle de vie de la méduse immortelle et cycle de vie d’une méduse ordinaire
Cycle de vie de la méduse immortelle (flèche bleu foncé) et cycle de vie d’une méduse ordinaire (flèche bleu pâle). © PNAS.

Certains secrets de la méduse immortelle révélés

Les propriétés extraordinaires de la méduse immortelle suscite curiosité et jalousie pour des êtres mortels comme nous, humains. C’est tout naturellement que les scientifiques ont essayé depuis des dizaines d’années de décrypter les différents phénomènes biologiques à l’œuvre au sein de cet organisme.

L’une des principales caractéristiques exceptionnelles des méduses immortelles est sa capacité à protéger et réparer son ADN. En effet, dans le monde animal, l’un des facteurs de vieillissement réside dans la dégradation des télomères, des capuchons protecteurs de l’ADN. Cette méduse est capable de produire bien plus de protéines protectrices et réparatrices d’ADN et de télomères que ses congénères. Les chercheurs ont pu découvrir cette formidable capacité d’autoréparation en séquençant le génome de la méduse immortelle et en dénombrant le nombre de gènes responsables de ce quasi-superpouvoir.

Mais ce n’est pas le seul secret que renferment les gènes de son ADN. En effet, la méduse immortelle est aussi capable de maintenir une population élevée de cellules souches, les cellules qui ne sont pas encore différenciées et qui participent à renouveler n’importe quelle type de cellules. De plus, la méduse immortelle est en mesure d’améliorer la communication intercellulaire et de réduire l’environnement oxydatif qui abîme les cellules. C’est autant de capacités qui lui permettent de détenir les clés d’une longévité presque infinie.

Méduse immortelle : de la biologie à la médecine

Décrypter les gènes de la méduse immortelle

Vous l’avez compris juste avant : les clés de la longévité de la méduse immortelle sont cachées dans ses gènes et donc dans son ADN. Il nous suffirait ainsi de le décrypter pour pouvoir appliquer une partie de ces stratégies évolutives à la médecine, mais la réalité reste autrement plus complexe. Pour commencer, malgré les progrès pharaoniques en matière de séquençage ADN lors des deux dernières décennies, la lecture du code génétique demande un long travail.

Des scientifiques de l’Institut de Recherche ADN de Kazusa au Japon ont toutefois publié de nouveaux résultats en 2023 concernant l’analyse génomique de la méduse immortelle. Pour augmenter la fiabilité du séquençage de l’ADN de la méduse immortelle, ils ont utilisé le génome de 1500 jeunes méduses issues d’un même clone et possédant donc le même ADN. A la suite de cela, un séquençage ADN minutieux a permis d’identifier 23 214 gènes différents avec un grand niveau de confiance.

Grâce aux travaux de ce genre d’équipes de recherche, de plus en plus de ressources sont disponibles pour pouvoir créer un modèle permettant de comprendre le cycle de vie de la méduse immortelle. Ce sont les premiers pas qui permettent d’avancer un peu plus vers une application médicale pour les humains du superpouvoir de la longévité que détient cette étonnante méduse immortelle.

Méduse immortelle : la clé pour une meilleure espérance de
 
vie ?


 
Comme expliqué précédemment, la régénération de la méduse immortelle trouve son origine dans la transdifférenciation des cellules (modification de leur état), processus qui inspire aujourd'hui les recherches de nombreux biologistes et généticiens. Encore une fois, la nature est une formidable porte d'entrée vers certains sentiers inexplorés de la santé, auxquels le biomimétisme fournit l'indispensable clé de lecture. La méduse immortelle pourrait ainsi être à l’origine de nouveaux traitements recherches en laboratoire pour développer des cellules souches pour la réparation des tissus endommagés chez l'homme.
 

En effet, comme le mentionne le New York Times, l’intérêt pour l’homme n’est pas de revenir à un état embryonnaire comme les méduses en inversant le processus de vieillissement mais bien de le mettre en pause. Cela peut paraître déroutant au premier abord tant les différences physiques et métaboliques entre l’homme et la méduse immortelle sont grandes. En réalité, au niveau génomique, nous sommes très proches et c’est ce qui donne espoir aux scientifiques de pouvoir appliquer les propriétés de la méduse aux êtres humains.
 

Notre Turritopsis Dohrnii suscite donc, au delà de ces premiers résultats, une question d’ordre moral. En disposant grâce à cette méduse d’un modèle d’immortalité, les scientifiques se dirigent peut-être vers la découverte de traitements anti-vieillissement voire de la possibilité de renforcer les chromosomes contenant nos ADN. Biomimétisme et biotechnologies conféreraient ainsi une durée de vie bien plus élevée à l’homme… que l’on sait déjà terriblement gourmand en énergies, ressources naturelles et espaces. Quid alors des conséquences irréversibles de la présence de l’homme sur Terre si notre longévité est décuplée ? D’autres questions éthiques comme l’accès restreint par une élite à une telle technologie peuvent aussi se poser. Il est donc important de mesurer tout autant l’intérêt médical que l’éthique de technologies aussi poussées. Les chercheurs aussi en sont conscients : le japonais Shin Kubota, qui étudie ces méduses immortelles depuis plus de 15 ans et l’un des plus grands experts du sujet, souhaite percer le secret de l’immortalité mais craint que “le cœur de l’homme ne soit pas prêt”.
 

Shin Kubota au Laboratoire Seto de Biologie Marine de l’Université de Kyoto.
Shin Kubota au Laboratoire Seto de Biologie Marine de l’Université de Kyoto. © New York Times.

Méduse immortelle : un pouvoir partagé par d’autres organismes ?

La méduse immortelle et les autres animaux qui partagent sa longévité

Désormais vous connaissez bien les secrets de la méduse immortelle, qui résident principalement dans ses gènes qui lui permettent de produire les protéines nécessaires à la réparation de son ADN. Mais ce n’est pas le seul animal capable d’une telle prouesse, il existe plusieurs organismes qui possèdent une longévité impressionnante. Le tardigrade par exemple utilise une toute autre stratégie : il est capable d’entrer en cryptobiose. Cela signifie qu’il peut évacuer l’eau contenue dans ses cellules et de les réhydrater ultérieurement sans endommager son organisme. Cette impressionnante capacité lui permet de mettre son corps en pause en attendant des conditions de survie plus favorable. La durée maximale de cryptobiose est inconnue mais certains tardigrades sont restés dans cet état pendant plus de 2000 ans dans une calotte glaciaire avant de revenir à la vie !

Vue au microscope de deux tardigrades.
Vue au microscope de deux tardigrades. © Eye of Science

Quand il s’agit de réparer son ADN pour augmenter sa longévité, les tortues des Galapagos ne font pas pâle figure non plus ! Une étude relayée par Europe 1 a pu mettre en évidence la présence de nombreux gènes qui permettent à ces tortues de réparer leur ADN de manière à pouvoir vivre plus de 150 ans ! Ce pouvoir de guérison et d’auto-réparation de ces animaux d’1m80 peuplant les îles des Galapagos n’est pas unique au monde mais n’en est pas moins impressionnante. Certes, contrairement à la méduse immortelle qui est théoriquement capable de survivre indéfiniment, ces tortues ne reviennent pas à l’état embryonnaire mais, pour une application médicale aux êtres humains, ces animaux restent tout autant intéressant. Une fois sous l’eau, la tortue est complètement battue par un autre animal : le requin du Groenland. Il est probablement le vertébré qui vit le plus longtemps sur Terre : plus de 400 ans !

Tortue géante des Galapagos
Tortue géante des Galapagos

Vous connaissez le homard bleu ? Tout comme la méduse immortelle, il est capable de stopper l’altération de ses cellules grâce à la sécrétion de la télomérase, une enzyme qui participe à ralentir le vieillissement de ce crustacé. Son vieillissement est tellement ralenti que, dans la plupart des cas, il meurt de la fatigue due au poids de sa carapace qui grandit continuellement tout au long de sa vie. De même que pour la méduse immortelle, le potentiel pour les êtres humains est immense.

Homard bleu.
Homard bleu. © Ernest Doroszuk / QMI Agency.

Les exemples de longévité et d’immortalité ne s’arrêtent pas là ! D’autres espèces fascinent tout autant que la méduse immortelle. Vous avez forcément entendu parler du blob, de son vrai nom physarum polycephalum. C’est un organisme unicellulaire capable de se régénérer presque à souhait !
 

On ne pouvait pas finir cet article sans mentionner le rat taupe nu, un rongeur capable de vivre 8 fois plus longtemps que ses semblables rats. Il est aussi capable de ralentir son vieillissement et de survivre à un milieu sans oxygène pendant plus de 20 min !

Rat-taupe nu dans un tunnel.
Rat-taupe nu dans un tunnel - © Justin O’Riain

Conclusion

L’immortalité est un fantasme, vieux comme le monde, que nous ne sommes pas encore en mesure de maîtriser. Toutefois la nature est remplie de mécanismes desquels nous pouvons nous inspirer pour mettre au point des traitements qui permettront aux générations futures d’avoir une plus grande espérance de vie. Le biomimétisme dans le domaine de la médecine et de la santé a déjà fait ses preuves à de nombreuses reprises : seringues indolores, sang artificiel, surfaces antibactériennes… Le vivant n’a donc pas fini de nous étonner !

 

 https://www.bioxegy.com/amp/m%C3%A9duse-immortelle

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