Varroa destructor : le parasite capable de mimer chimiquement deux espèces d'abeilles
Des chercheurs de l'Institut de recherche sur
la biologie de l'insecte (CNRS/Université François Rabelais de Tours) et
du laboratoire Abeilles et environnement de l'Inra, en collaboration
avec des collègues américains et chinois1, ont démontré que Varroa destructor, un acarien parasite des abeilles qui a la capacité d'imiter la composition chimique de la cuticule2
de son hôte, est aussi capable de changer cette composition en fonction
de l'espèce qu'il parasite. Cette faculté d'adaptation remarquable
pourrait expliquer comment ce parasite de l'abeille asiatique a pu
coloniser l'abeille européenne au cours du 20e siècle, contribuant ainsi au déclin de l'espèce. Ces travaux sont publiés le 3 juin 2015 dans la revue Biology Letters.
© Zachary Huang, MSU, USA
Photo prise dans une ruche d'un jeune varroa sur une jeune abeille émergente.
L'acarien Varroa destructor est un ectoparasite3
de l'abeille domestique posant de nombreux problèmes sanitaires à leurs
colonies. Il s'introduit dans les alvéoles des ruches contenant les
larves d'abeille et se nourrit de leur hémolymphe4. Il
parasite également les nymphes et les abeilles adultes, participant au
déclin observé actuellement chez cette espèce et provoquant des pertes
économiques importantes en apiculture. L'hôte d'origine de cet acarien
est Apis cerana, l'abeille asiatique, mais il est devenu une grave menace pour l'abeille européenne (Apis mellifera)
qu'il a commencé à parasiter dans les années 40-50 et qui résiste moins
bien à ses attaques. Les abeilles asiatiques présentent en effet des
comportements (toilettage des adultes et vérification des larves par les
ouvrières) qui leur permettent de détecter et d'éliminer le parasite.
Ces comportements se retrouvent moins chez les abeilles mellifères et,
sans traitement chimique, leurs colonies meurent en deux à trois ans.
La cuticule des abeilles est constituée d'un mélange d'une cinquantaine de composés lipidiques – des hydrocarbures – qui servent entre autre à la communication chimique. Les abeilles sont capables de reconnaître la composition d'une cuticule et d'identifier ainsi l'espèce ou l'âge d'un individu. Cela leur sert également à détecter la présence des parasites dont la cuticule est différente. Des études précédentes ont montré que l'acarien Varroa destructor peut mimer les hydrocarbures cuticulaires de leur hôte et ainsi échapper au comportement hygiénique des abeilles. Dans ces nouveaux travaux, les chercheurs se sont intéressés à la capacité des acariens, selon leur origine, à mimer la composition de la cuticule d'un nouvel hôte, d'une espèce différente, en transférant des acariens vivant dans une colonie d'abeilles asiatiques sur des larves d'abeilles européennes et inversement.
Leurs résultats montrent que les parasites sont capables d'imiter les deux hôtes, même lorsqu'ils sont transférés artificiellement. En effet, les proportions des hydrocarbures cuticulaires des acariens changent après le transfert afin de mimer la cuticule de leur nouvel hôte. Le mimétisme chimique est donc maintenu et cette faculté d'adaptation remarquable pourrait expliquer comment ce parasite de l'abeille asiatique a pu coloniser l'abeille domestique.
L'analyse des cuticules a aussi mis en lumière que les acariens issus de colonies d'abeilles asiatiques sont de meilleurs imitateurs que ceux provenant d'abeilles européennes. Ainsi la longue co-évolution entre Varroa destructor et Apis cerana a semble-t-il permis aux acariens d'être plus efficaces dans leur mimétisme chimique et aux abeilles asiatiques de développer des comportements plus adaptés à la lutte contre le parasite. A l'inverse le passage relativement récent de l'acarien chez Apis mellifera explique pourquoi l'abeille européenne a du mal à détecter le parasite. Ce système hôte parasite offre donc une belle illustration de la « course aux armements » à laquelle se livrent deux organismes au cours de leur évolution commune.
2 La cuticule est la couche externe sécrétée par l'épiderme des insectes. Elle forme leur squelette externe.
3 Parasite externe qui vit sur le corps d'un autre organisme.
4 Liquide circulatoire dont le rôle est semblable à celui du sang chez les vertébrés.
Consulter le site web
Chercheur | Yves Le Conte | T 04 32 72 26 01 | yves.leconte@avignon.inra.fr
Presse CNRS l Lucie Debroux l T 01 44 96 43 09 l lucie.debroux@cnrs-dir.fr
La cuticule des abeilles est constituée d'un mélange d'une cinquantaine de composés lipidiques – des hydrocarbures – qui servent entre autre à la communication chimique. Les abeilles sont capables de reconnaître la composition d'une cuticule et d'identifier ainsi l'espèce ou l'âge d'un individu. Cela leur sert également à détecter la présence des parasites dont la cuticule est différente. Des études précédentes ont montré que l'acarien Varroa destructor peut mimer les hydrocarbures cuticulaires de leur hôte et ainsi échapper au comportement hygiénique des abeilles. Dans ces nouveaux travaux, les chercheurs se sont intéressés à la capacité des acariens, selon leur origine, à mimer la composition de la cuticule d'un nouvel hôte, d'une espèce différente, en transférant des acariens vivant dans une colonie d'abeilles asiatiques sur des larves d'abeilles européennes et inversement.
Leurs résultats montrent que les parasites sont capables d'imiter les deux hôtes, même lorsqu'ils sont transférés artificiellement. En effet, les proportions des hydrocarbures cuticulaires des acariens changent après le transfert afin de mimer la cuticule de leur nouvel hôte. Le mimétisme chimique est donc maintenu et cette faculté d'adaptation remarquable pourrait expliquer comment ce parasite de l'abeille asiatique a pu coloniser l'abeille domestique.
L'analyse des cuticules a aussi mis en lumière que les acariens issus de colonies d'abeilles asiatiques sont de meilleurs imitateurs que ceux provenant d'abeilles européennes. Ainsi la longue co-évolution entre Varroa destructor et Apis cerana a semble-t-il permis aux acariens d'être plus efficaces dans leur mimétisme chimique et aux abeilles asiatiques de développer des comportements plus adaptés à la lutte contre le parasite. A l'inverse le passage relativement récent de l'acarien chez Apis mellifera explique pourquoi l'abeille européenne a du mal à détecter le parasite. Ce système hôte parasite offre donc une belle illustration de la « course aux armements » à laquelle se livrent deux organismes au cours de leur évolution commune.
Notes :
1 De l'université d'État du Michigan (MSU) et de l'université de Nanchan.2 La cuticule est la couche externe sécrétée par l'épiderme des insectes. Elle forme leur squelette externe.
3 Parasite externe qui vit sur le corps d'un autre organisme.
4 Liquide circulatoire dont le rôle est semblable à celui du sang chez les vertébrés.
Références :
Varroa destructor changes its cuticular hydrocarbons to mimic new hosts ; Y. Le Conte, Z. Y. Huang, M. Roux, Z. J. Zeng, J.-P. Christidès and A.-G. Bagnères ; Biology Letters ; 3 juin 2015.Consulter le site web
Contacts :
Chercheur l Anne-Geneviève Bagnères l T 02 47 36 73 48 l bagneres@univ-tours.frChercheur | Yves Le Conte | T 04 32 72 26 01 | yves.leconte@avignon.inra.fr
Presse CNRS l Lucie Debroux l T 01 44 96 43 09 l lucie.debroux@cnrs-dir.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire