jeudi 1 février 2018

Les sols se renouvellent-ils ?

Sous les forêts, les sols se renouvellent, mais dans les zones cultivées, l'érosion n'est pas compensée par la décomposition des roches.

coupe de sol
Une coupe de sol.
© Shutterstock.com/Noppharat4569
Les montagnes s'aplanissent en quelques centaines de millions d'années. Sous l'effet de l'érosion par les vents, les pluies, etc. ? Pas seulement : en fait, l'usure des reliefs découle surtout d'un phénomène insidieux : l'altération chimique de la couche la plus superficielle des roches. C'est ainsi que se forme le sol, sorte de peau largement minérale, qui joue un rôle essentiel sur Terre. Elle est en effet le support de la végétation qui, directement ou indirectement, est indispensable à la vie animale, donc à la nôtre.
Dans la couche supérieure de la roche mère présente initialement, deux mécanismes principaux conduisent à la formation du sol : d'une part, l'eau des pluies dissout les ions constitutifs de la roche et les évacue (solubilisation) ; d'autre part, les particules solides sont entraînées par la gravité vers les rivières (transport). Dans une coupe du sol, on distingue ainsi des strates superposées sur la roche mère, dont chacune correspond à une étape de la déconstruction de la roche (voir l'image du haut).
Dans les régions forestières, l'Amazonie par exemple, on postule que le sol perd autant de matière par solubilisation/transport qu'il en gagne par déconstruction de la roche mère. Le système est alors en équilibre, c'est-à-dire que le sol se reconstitue à sa base aussi vite qu'il s'use à son sommet. Il s'enfonce donc dans le paysage sans changer d'épaisseur.
La limite entre le sol et la roche saine sous-jacente est nommée front d'altération. On a cherché à mesurer la vitesse à laquelle ce front s'abaisse. Toutes sortes de méthodes ont été utilisées pour ce faire : bilans chimiques, datations, mesures géologiques... On obtient des valeurs dont l'ordre de grandeur est de 10 ou 100 mètres par million d'années, c'est-à-dire quelques centimètres par millier d'années. La quantité de matière que le sol doit gagner pour garder une épaisseur constante est donc assez faible.
Que se passe-t-il sur un sol cultivé ? Comme le travail mécanique de la terre renforce l'érosion, le système n'est plus en équilibre. Le sommet du sol descend donc plus vite que sa base. Résultat : le sol s'amincit. Cela explique d'étranges choses.

Des paysans qui cultivaient la roche ?

Ainsi, dans l'Hérault, on trouve les traces de villages néolithiques dans des garrigues où la roche affleure partout, de sorte que la terre de culture est totalement absente.
Comment est-ce possible ? Si, il y a plus de 6 000 ans, des paysans se sont installés là, c'est bien qu'ils y ont trouvé des sols fertiles, qui ont disparu ensuite, ce qui a entraîné le départ des populations... Ce phénomène s'est répété de nombreuses fois : des civilisations entières ont périclité après avoir érodé les sols qui les nourrissaient.
Aujourd'hui, même en Europe, l'érosion est préoccupante. On estime les pertes moyennes à 7 tonnes par hectare et par an, tous milieux confondus. En partant d'un sol mesurant 1 mètre d'épaisseur, ce qui représente au plus un stock de 15 000 tonnes de terre par hectare, il faudra seulement un peu plus de 2 100 ans pour que cette précieuse couche d'altération ait entièrement disparu.
Avec nos tracteurs surpuissants et nos engins qui pulvérisent la terre et la diminution des restitutions organiques par suite de la disparition des animaux de trait, l'agriculture moderne protège moins les sols que celle que pratiquaient nos ancêtres avec leurs houes servant à égratigner la surface. On ne peut donc pas continuer sur le rythme actuel, d'autant plus que l'urbanisation et l'artificialisation des surfaces réduisent l'étendue des terres agricoles.
Alors que la population mondiale augmente et que les ressources en sols diminuent, où va-t-on ? Certains imaginent des fermes verticales, sortes d'immeubles à produire de la matière verte sur du béton. Bonne idée, certes, mais il faudra alors beaucoup d'éclairage artificiel. Or seules de grandes surfaces horizontales permettent de récupérer une des rares énergies gratuites : celle du Soleil.
À l'échelle humaine, sinon à l'échelle des temps géologiques, le sol est une réserve non renouvelable. Il faut le protéger.
http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/article-les-sols-se-renouvellent-ils-37826.php

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