En se refroidissant, la lave se fracture. Ces fissures se propagent en profondeur et forment la structure hexagonale des orgues basaltiques.
Sean Bailly
La formation de fractures est une question de libération d’énergie. Que ce soit la lave qui se refroidit, la boue qui sèche ou le sol du pergélisol qui gèle, la situation est la même : le volume de la partie supérieure se contracte, mais, comme il est solidaire de ce qui se trouve en dessous, des tensions au sein du matériau. Ainsi, de façon aléatoire, à partir d’un petit défaut, une fracture se forme et libère ainsi de l’énergie de la tension mécanique. Ces failles sont disposées, a priori, de façon aléatoire. Cependant, comme elles libèrent surtout la tension perpendiculaire à leur direction, elles ont tendance à se connecter à angle droit les unes aux autres – on parle de jonctions T.
Dans des milieux qui sont asséchés ou gelés périodiquement, on observe que les jonctions T sont remplacées par des jonctions Y, où les angles sont de 120°. Comment s’opère la transition ? À chaque fois qu’il pleut sur une zone sèche et craquelée, les fractures se ressoudent, mais restent fragiles. Ainsi à la sécheresse suivante, les mêmes fissures se reforment, mais pas nécessairement dans le même ordre. Les jonctions se déforment, se déplacent ; les angles à 90° et les jonctions à 180° tendent vers des angles intermédiaires, autour de 120°. Il s'ensuit que les motifs dans la boue se rapprochent plus des hexagones.
Une transition similaire entre jonctions T et Y se produit dans le basalte, mais de telles jonctions se forment quand les fractures se propagent en profondeur dans la lave en train de se refroidir. Les jonctions T sont en surface et laissent la place à des jonctions Y au cœur de la roche. Dans certains sites, l’érosion fait disparaître la partie supérieure et il ne reste que des pavages hexagonaux, tels ceux de la Chaussée des géants.
Les chercheurs reproduisent ce phénomène en laboratoire avec une solution contenant de l’amidon de maïs. Il restait à comprendre comment la transition s’opère. La forme hexagonale, en nid d'abeilles, est la configuration pavant le plan qui minimise le périmètre pour une aire donnée (celle-ci étant liée à différents paramètres, dont la vitesse de refroidissement du basalte). Ainsi cette structure hexagonale libère plus d’énergie que toute autre configuration, mais cela n’explique pas comment la transition s’opère.
Martin Hofmann et ses collègues ont calculé l’énergie libérée lorsqu’une fracture se propage en profondeur en supposant que la position des points de jonction pouvait bouger. Ils montrent ainsi que si la jonction se déforme de T vers Y, l’énergie libérée augmente de 7 %. La tension dans le basalte est alors mieux dissipée et la configuration plus stable. Ainsi, progressivement, le motif carré laisse la place à un motif hexagonal et le comportement individuel de chaque fracture laisserait la place à une dynamique d’ensemble du réseau de fissures dans la roche.
Les chercheurs ont confirmé leur analyse grâce à des simulations numériques. En outre, la différence d’énergie libérée entre les configurations T et Y est assez faible, ce qui laisse penser que le processus ne conduirait pas toujours vers des motifs hexagonaux réguliers. En effet, à la Chaussée des géants, 30 % des colonnes ont une section pentagonale et on recense aussi des motifs à 4, 7, 8, 9 ou 10 côtés.
Martin Hofmann et ses collègues auraient ainsi expliqué pourquoi les orgues basaltiques forment préférentiellement un pavage hexagonal. Néanmoins, il reste certains points à éclairicr et leurs modèles devront être affinés pour inclure des phénomènes observés sur certains orgues, tels des oscillations périodiques de la section des colonnes.
http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actu-comment-se-forment-les-orgues-de-basalte-36140.php
L'auteur
Sean Bailly est journaliste à Pour la Science.
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