Le terme « stress » se rapporte à de nombreuses circonstances de notre vie quotidienne pour évoquer un rapport désagréable aux événements vécus. Certains sont capables de le surmonter, d’autres ont plus de difficultés, voire sont envahis par ces réactions. Mais, en termes biologiques, qu’est-ce véritablement que le stress ? Quelles sont les réponses de notre corps vis-à-vis du stress ? Est-ce qu’il y a des moyens de réduire son impact sur nos organismes ? Pour limiter les effets délétères du stress, il est donc important de mettre en place des traitements, que ceux-ci soient médicamenteux (par exemple, β-bloquants) ou non (par exemple, thérapies cognitives et comportementales).
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1. Historique et définition(s) du stress
Le stress est une réponse physiologique de l’organisme aux changements de son environnement et qui a pour résultat de maintenir son état d’équilibre. Le terme « environnement » utilisé ici fait allusion à la fois à l’environnement extérieur mais aussi à celui des cellules, c’est-à-dire au milieu intérieur, représenté notamment par le sang, la lymphe et le liquide interstitiel. Le stress aigu est une réponse « normale » de l’organisme. Cependant, lorsque les modifications de l’environnement se maintiennent et que l’organisme n’arrive pas ou plus à y faire face, le stress devient chronique. Dans cette situation pathologique, l’organisme s’épuise dans une réponse qui n’est pas suffisante pour maintenir sa stabilité. Le stress chronique peut alors être associé ou révélateur d’autres pathologies : dépression, anxiété, syndrome de stress post-traumatique (PTSD)…
D’un point de vue historique, plusieurs grands physiologistes ont contribué à énoncer les concepts liés au stress [1] (Figure 1). Walter Bradford Cannon (1871-1945) menait des études sur les adaptations viscérales à certains stimuli, notamment nociceptifs. Il montra qu’un animal placé face à une situation aversive, telle que la présence sur son territoire d’un concurrent ou la rencontre d’un prédateur, répond en présentant deux comportements possibles : défense avec retrait ou avec attaque. À ces manifestations comportementales s’associent des modifications métaboliques qui mobilisent les réserves de l’organisme. Cannon s’appuie sur les travaux de Claude Bernard (1813-1878) sur le milieu intérieur pour émettre le concept d’homéostasie et, à la lumière de ces travaux, il renomme les réponses observées « fight or flight » (se battre ou fuir).Hans Selye (1907-1982) reprend et poursuit ces études en travaillant sur le syndrome général d’adaptation. Il en systématise la description et montre qu’il est constitué de trois phases stéréotypées, quelles que soient les situations aversives dans lesquelles l’individu est placé : phases d’alarme, de résistance puis d’épuisement lorsque le stimulus est maintenu.
- La phase d’alarme constitue la première ligne de défense de l’organisme pour répondre aux modifications de son environnement, c’est ce que l’on nomme actuellement « réponse aiguë » au stress.
- La phase de résistance correspond aux régulations mises en jeu lorsque la situation de stress devient chronique.
- Enfin, la phase d’épuisement apparaît quand les systèmes de régulation sont dépassés et que les pathologies s’installent.
Selye montre également que l’injection à l’animal d’un extrait surrénalien reproduit les effets du syndrome général d’adaptation. La substance principale responsable de cet effet a depuis été purifiée : il s’agit d’un glucocorticoïde [2], le cortisol. Enfin, il propose une généralisation de la définition du stress : « une réponse non spécifique de l’organisme à toute demande qui lui est faite».
Les travaux concernant la caractérisation des mécanismes de réponse aux stimuli stresseurs se sont poursuivis pendant le 20e siècle. En particulier, Bruce McEwen (1938-2020) a documenté l’implication des récepteurs aux glucocorticoïdes dans cette réponse. Les mécanismes d’adaptation de l’organisme sont maintenant plus finement connus et un consensus s’est dégagé pour donner la définition actuelle du stress : il s’agit de « la réponse à un événement perturbant le milieu interne d’un individu, entraînant l’activation de mécanismes de régulation qui servent à restaurer l’homéostasie » [3].
2. Les effecteurs de la réponse au stress
2.1. Boucle de régulation pour la prise en charge de la situation stressante
La figure 2 présente la boucle de régulation homéostatique permettant la prise en charge de la situation stressante. Les modifications de l’environnement sont détectées par des capteurs sensoriels périphériques projetant sur le système nerveux central (SNC). Ces informations sont traitées et interprétées par les aires cérébrales comme un stimulus de type stresseur et le système nerveux central déclenche et coordonne alors la réponse effectrice, soit pour échapper aux modifications environnementales, soit pour les contrôler.Les stresseurs peuvent être répartis en deux catégories : stresseurs de type psychologique ou de type physique. Leur analyse et leur traitement par le système nerveux central seront différents (voir plus loin) mais aboutiront in fine à élaborer la réponse au stress, qui met en jeu l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (ou axe corticotrope) et le système nerveux autonome. Les médiateurs libérés au cours de cette réponse agissent sur des récepteurs spécifiques au niveau du système nerveux central mais aussi de l’ensemble du corps, pour donner des réponses physiologiques et comportementales qui permettent l’adaptation de l’organisme à son nouvel environnement. Cette réponse complexe se manifeste par la mobilisation de réserves énergétiques, des changements métaboliques, une activation du système immunitaire, une limitation des processus de digestion, une diminution de la fertilité et des comportements reproducteurs. Ces différents éléments sont le résultat de régulations génomiques et épigénétiques qui modifient le fonctionnement cellulaire, et de contrôles non génomiques [4] ayant pour conséquence des modifications de l’excitabilité cellulaire, ainsi que de la plasticité neuronale et synaptique [1].
2.2. Un exemple : le comportement de fuite face à un prédateur
Lorsqu’un individu se trouve face à un prédateur, la réaction qui s’enclenche est un comportement stéréotypé, nommé « comportement de fuite ». La réponse échappatoire, pour être efficace, nécessite que la proie puisse courir suffisamment longtemps, vite et en évitant les obstacles. Ce sont les effecteurs, système nerveux autonome et axe corticotrope, qui permettent cette réponse coordonnée, efficace, et durable.
- Apport d’oxygène et de nutriments
Une course de longue durée nécessite des contractions musculaires dans un régime aérobie, et donc un apport d’O2 et de nutriments suffisants aux muscles squelettiques des membres. Ceci est permis par des modifications des débits sanguins perfusant les différents organes. Alors que le débit sanguin diminue au niveau du tube digestif, il augmente au niveau des muscles squelettiques sollicités, grâce à la vasodilatation des artérioles les irriguant. Au niveau de l’organisme entier, l’accélération de la fréquence cardiaque augmente le débit cardiaque et l’élévation de la fréquence respiratoire augmente l’apport en O2 aux cellules. L’ensemble de ces adaptations fonctionnelles, cardio-vasculaires et respiratoires, sont sous le contrôle du système nerveux autonome orthosympathique, dont la noradrénaline est le neurotransmetteur final. L’adrénaline, qui est sécrétée par la médullosurrénale lorsqu’elle est stimulée par le système nerveux sympathique, est également un acteur majeur de ces systèmes de contrôle.
- Mobilisation des réserves de l’organisme
Le soutien métabolique de cette course active est assuré par la mobilisation des réserves de l’organisme. En effet, le stock de glycogène musculaire n’est pas suffisant pour assurer une activité musculaire contractile de longue durée. D’autres réserves, telles que le glycogène hépatique ou les triglycérides du tissu adipeux, sont alors mises en jeu et permettent aux cellules musculaires de produire suffisamment d’ATP. Ce sont surtout les glandes surrénales (Figure 3) qui sont impliquées dans cette mobilisation des réserves énergétiques : la partie corticale comme élément de l’axe corticotrope (sécrétion de glucocorticoïdes) et la partie médullaire sous contrôle du système nerveux autonome (sécrétion d’adrénaline).
Lorsque le stimulus stresseur est maintenu plus longtemps, la réponse métabolique peut être entretenue par la mise en jeu plus tardive des axes somatotrope et thyréotrope [5] dont les hormones exercent aussi des effets métaboliques (Figure 4).
- Réactivité de l’organisme et augmentation de la vigilance
Le dernier caractère de cette réponse échappatoire concerne la réactivité de l’organisme qui permet d’éviter des obstacles pendant la course. L’augmentation de la vigilance est liée à la sécrétion de cortisol par l’axe corticotrope dont l’un des effets est d’augmenter le niveau d’alerte du système nerveux central et ainsi de stimuler la vigilance.
2.3. Séquence temporelle de mise en œuvre des systèmes effecteurs
Les deux systèmes effecteurs, système nerveux autonome et axe corticotrope, interviennent avec des cinétiques de réponse différente. Le premier, nerveux, est un effecteur rapide, permettant d’assurer les premières actions du comportement de fuite, tandis que le second, hormonal, est un effecteur plus lent, permettant de maintenir les réponses motrices et métaboliques pendant la durée du comportement échappatoire. Par ailleurs, les glucocorticoïdes étant des hormones activant des facteurs de transcription, leurs effets prennent plus de temps à se mettre en place que ceux d’hormones agissant via des récepteurs membranaires.
La mise en jeu coordonnée et successive du système nerveux autonome et de l’axe corticotrope (voire des autres axes endocrines) est assurée par l’hypothalamus. Cette petite structure cérébrale diencéphalique, de la taille d’une amande chez l’être humain, exerce le rôle fondamental de « chef d’orchestre de la vie végétative » (Figure 5) et par là de la réponse au stress. Il reçoit les activations induites par les stimuli stressants via les différentes structures cérébrales sensorielles et décisionnelles qui lui sont afférentes. Il projette sur le tronc cérébral qui contient les centres de contrôle du système nerveux autonome et, avec l’hypophyse, constitue le complexe hypothalamo-hypophysaire qui régule l’activité de la plupart des glandes endocrines. Ainsi l’hypothalamus est positionné au carrefour des voies afférentes et efférentes, ce qui lui permet d’assurer son rôle intégratif.
Signalons pour finir que la sécrétion basale de cortisol (et de corticostérone) est organisée sous forme de pics au cours du nycthémère (cycle jour-nuit), avec un niveau plus bas pendant la journée, et une augmentation du niveau de sécrétion et de la fréquence des pics en fin de nuit, ce qui prépare l’organisme à l’éveil. Dans une situation stressante, l’activation de l’axe corticotrope multiplie par trois la quantité de cortisol sécrétée par rapport au niveau basal. L’effet cette hormone est alors très différent. En effet, alors qu’à faible concentration elle se fixe aux récepteurs des minéralocortocoïdes (MR), de forte affinité, à forte concentration elle se fixe également aux récepteurs des glucocorticoïdes (GR), de faible affinité. Ainsi, lorsque le niveau de stress augmente, les récepteurs des minéralocorticoïdes sont très rapidement saturés alors que ceux des glucocorticoïdes sont occupés progressivement : ce sont eux qui pilotent l’intensité de la réponse au stress.3. Les stimuli stressants, les différentes réponses
Cette troisième partie aborde la façon dont les stimuli stressants sont traités au niveau central pour déclencher la réponse effectrice stéréotypée [1]. Plusieurs aires cérébrales sont mises en jeu. Le traitement cognitif est assuré par le cortex préfrontal, très développé chez les Primates. L’amygdale et le circuit de la récompense [6] (comprenant le noyau accumbens dans le striatum et l’aire tegmentale ventrale dans le mésencéphale) permettent d’associer une composante aversive aux événements stressants. Enfin l’hippocampe participe aux processus d’apprentissage et de mémorisation. Ces différentes aires cérébrales sont en connexion, directe ou indirecte, avec l’hypothalamus qui déclenche la réponse effectrice périphérique via le tronc cérébral et le complexe hypothalamo-hypophysaire (Figure 5).
Suivant la nature du stimulus stressant, physique ou psychique, le traitement par le système nerveux central est différent : un stimulus douloureux engendre une réponse motrice rapide (le réflexe de retrait, essentiellement spinal) alors qu’un stimulus plus difficile à supporter psychologiquement ou un stimulus mixte associant douleur physique et psychique donne lieu à une réponse plus complexe, associant des éléments cognitifs et des événements moteurs (Figure 6) (lire Focus Réseaux de traitement des agents stresseurs)
Les stresseurs physiques sont traités essentiellement au niveau du tronc cérébral et de l’hypothalamus avec une faible activation du système limbique [7] (amygdale, hippocampe, cortex préfrontal) et très peu d’interaction avec le circuit de la récompense qui ne manifeste qu’une faible activité électrique dans ces situations.
Pour les stresseurs de type psychique, la réponse physique et cognitive met fortement en jeu le système limbique (en particulier le cortex préfrontal) et le circuit de la récompense qui sont interconnectés et contribuent aux manifestations complexes liées à l’événement stressant. Le cortex préfrontal élabore une stratégie de réponse appropriée aux changements environnementaux.
L’hippocampe, structure cérébrale impliquée dans les apprentissages, active ou inhibe l’axe corticotrope en fonction des entrées qu’il reçoit. Lors de la réponse au stress, les récepteurs des glucocorticoïdes, exprimés en grande quantité dans l’hippocampe et l’hypothalamus, sont occupés, ce qui modifie la connectivité des réseaux neuronaux qui les constituent, en induisant une plasticité synaptique, substrat de l’apprentissage et de la sensibilisation. Ainsi, si une situation stressante se manifeste à nouveau, l’individu est capable de progresser et d’y faire face plus facilement [8].
D’autres structures cérébrales sont aussi sollicitées au cours de la réponse à un événement stressant. L’amygdale permet de traiter les émotions et de consolider les souvenirs liés à l’événement stressant en association avec l’hippocampe. Le noyau accumbens reçoit des projections hippocampiques, qui contribuent à augmenter la sensibilité au stress psychologique, des projections de l’amygdale, qui participent aux sentiments de récompense (ou de « punition ») et des projections du cortex préfrontal, qui interviennent dans le processus de résilience [9]. Ainsi, le circuit de la récompense est un système-clé pour l’élaboration des mécanismes d’aversion (évitement, anhédonie) [1].
Comme cela a été évoqué pour les glucocorticoïdes, les récepteurs des médiateurs du stress (adrénaline, noradrénaline, corticoïdes, CRH…), sont exprimés dans le système nerveux central, notamment au niveau des noyaux impliqués dans la gestion du stress. En se fixant sur leurs récepteurs, ces médiateurs, produits par les organes périphériques, modifient en retour l’activité des noyaux cérébraux. Ce système de rétroaction, classique des processus homéostatiques, participe à la prise en charge du stimulus stressant [10].
4. Stress aigu, stress chronique
Les mécanismes présentés précédemment sont ceux mis en jeu lorsque la situation stressante est « normale ». L’organisme atteint alors, durant cette période de stress, un nouvel état d’équilibre, qualifié d’« allostatique » avec l’établissement de nouvelles valeurs de consigne (« set points ») [8]. Quand le stress se maintient (car l’agent stresseur n’est pas éliminé ou qu’il se répète), ou qu’il a une intensité très forte, l’allostasie ne peut pas se mettre en place et les boucles de régulation sont débordées : c’est l’« allostatic overload » [11] (Figure 7).Ce déséquilibre peut s’installer immédiatement ou, de manière plus insidieuse, sur un temps long. Il est à l’origine de plusieurs « bombes », dues à l’exacerbation des processus vus précédemment, qui peuvent engendrer ou révéler différents états pathologiques, et peuvent même, au moins chez les Rongeurs, être transmises aux générations suivantes par le biais de mécanismes épigénétiques.
4.1. La 1ere bombe est liée à l’hypersécrétion des corticoïdes
Coome nous l’avons vu, l’hippocampe est une structure possédant une forte densité de récepteurs aux glucocorticoïdes. Leur activation massive provoque des altérations de la neurogenèse (l’hippocampe contient des cellules souches qui participent à la formation des nouveaux souvenirs [12]) ainsi que de la transmission synaptique. La forte libération de glutamate qui en résulte peut induire une excitotoxicité [13] des neurones et des cellules gliales, qui peut être à l’origine de dysfonctionnements profonds de cette structure cérébrale [14].
4.2. Lorsque les réseaux hippocampiques sont altérés, l’ensemble des fonctions cognitives peut être atteint : il s’agit de la 2e bombe
Le dysfonctionnement des réseaux hippocampiques se répercute sur les structures responsables de la cognition et a pour conséquence une altération de l’attention et de la flexibilité cognitive, éléments essentiels des apprentissages pour l’adaptation de l’organisme à la situation stressante. Ce dysfonctionnement modifie aussi les comportements de récompense et d’aversion, ce qui conduit à une perte de la valeur hédonique de certains stimuli [11].
4.3. La 3e bombe est liée à l’effet du stress sur le système immunitaire [14]
En fonction de la situation et de la voie de régulation mise en jeu, les corticoïdes peuvent avoir un effet stimulateur ou inhibiteur sur la réponse inflammatoire et immunitaire. Si la sécrétion des corticoïdes est exacerbée, les régulations s’exerçant sur le système immunitaire pourront alors engendrer des désordres périphériques et centraux, car les systèmes immunitaire, nerveux et endocrine sont interconnectés. Par exemple, une activation des cellules microgliales induit une inflammation au sein du tissu nerveux, ce qui perturbe l’activité des réseaux neuronaux.
La chronicité du stimulus stressant a un caractère aggravant et ces divers événements pourraient être à l’origine de neuropathologies telles que des dépressions, des fatigues, des douleurs chroniques, des altérations cognitives, mais également de pathologies périphériques comme une altération de la réponse immunitaire (notamment de la réponse des lymphocytes T) et du métabolisme (tels que l’insulinorésistance ou l’ostéoporose) [15].
4.4. La 4e bombe, quant à elle, implique les modifications de nature épigénétique
Les modifications que nous venons d’évoquer affectent l’expression de différents gènes, comme celui codant le récepteur des glucocorticoïdes, ceux codant certains facteurs de transcription et de croissance ou encore de gènes liés à la neurotransmission (par exemple celui de la POMC, précurseur de l’ACTH mais aussi des β-endorphines, neurotransmetteurs impliqués dans le contrôle des voies de la douleur).
Au-delà de la modulation de l’expression de gènes, ces modifications peuvent aussi affecter l’épigénome et avoir des conséquences durables. De telles modifications épigénétiques constituent un substrat de vulnérabilité et peuvent se transmettre à la progéniture. Cela a été mis en évidence, par exemple, chez les Rongeurs, où la séparation du petit de sa mère pendant un temps court (quelques minutes par jour) a pour conséquence une augmentation de la susceptibilité du juvénile à la prise d’opiacés [16],[17].
Ces différentes « bombes » sont retrouvées lorsqu’on analyse les pathologies ayant une composante liée au stress, tels que le syndrome de fatigue chronique, l’épuisement professionnel, les états de stress post-traumatiques, le défaut de soin dans la petite enfance… Elles peuvent aussi aggraver des pathologies multifactorielles suite au déséquilibre de l’axe corticotrope, comme les états anxieux, les états dépressifs, l’épilepsie, les maladies cardiovasculaires, le diabète, etc. Elles ne sont alors pas déclenchées par un événement stressant mais l’environnement stressant peut contribuer à les développer ou à les révéler.
5. Les méthodes de gestion du stress
D’une manière générale, les méthodes de gestion du stress suivent le schéma suivant : évaluation de la situation stressante puis développement de la capacité à y faire face pour éviter d’aboutir à l’état pathologique. Ces méthodes font appel à un arsenal thérapeutique de deux types, non exclusifs : une approche médicamenteuse ou une prise en charge psychothérapeutique [18] (Tableau 1).
Tableau 1. Les différentes méthodes de prise en charge du stress. Auteur(s)/Autrice(s) : Hélène Hardin-Pouzet
5.1. Méthodes pharmacologiques
Elles ont pour cible les différents effecteurs de la réponse au stress. Historiquement, des antagonistes des récepteurs des glucocorticoïdes [19] ou des inhibiteurs de la synthèse du cortisol ont été prescrits mais ils présentent de nombreux effets secondaires. Actuellement, des modulateurs sélectifs des récepteurs des glucocorticoïdes (SGRM : selective glucocorticoid receptor modulator) sont à l’étude mais leur efficacité doit encore être augmentée. Cette approche de modulation de la voie des corticoïdes est extrêmement complexe à cause de l’intrication des voies de synthèse des différents stéroïdes.
D’autres molécules sont utilisées à des fins de gestion du stress, notamment celles agissant sur la transmission catécholaminergique [20]. C’est le cas des antagonistes β-bloquants (propranolol) mais leurs effets secondaires, notamment sur la fréquence cardiaque, sont non négligeables. C’est également le cas des inhibiteurs de synthèse ou de recapture des catécholamines mais là encore leurs effets indésirables sont importants (cf. les amphétamines et le Médiator). Enfin, des traitements pharmacologiques indirects qui ciblent les troubles associés au stress peuvent être proposés : il s’agit des antidépresseurs ou des anxiolytiques qui agissent sur la transmission sérotoninergique ou GABAergique.
5.2. La prise en charge non médicamenteuse
Elle a pour objectif de reconstruire la chaîne de réponse comportementale afin de retrouver un état homéostatique et mettre en place un état de résilience. Plusieurs techniques peuvent être proposées [21].
La relaxation permet une détente neuromusculaire, diminuant les crispations liées à l’anxiété en vue d’atteindre un calme intérieur, alors que les thérapies comportementales et cognitives entrainent l’individu à avoir une réponse contrôlée face à la situation stressante. Les thérapies comportementales réexposent l’individu brièvement à la situation stressante, ou à son souvenir, puis augmentent progressivement l’intensité du stress afin de le surmonter. Dans cette optique, des outils de réalité virtuelle peuvent être utiles, notamment pour le travail sur certaines phobies [22].
Les thérapies cognitives relèvent d’une autre approche : il s’agit de développer une restructuration cognitive qui permet de quitter les pensées négatives et de les remplacer par des pensées positives pour surmonter la situation stressante. Ces approches ont été utilisées dans le traitement de certains cas de syndromes de stress post-traumatique. Ainsi, une étude a montré, grâce au suivi par IRM et à la mesure de certains paramètres biologiques, les effets bénéfiques de la musicothérapie [23],[24]. Des méta-analyses ont également montré l’amélioration des symptômes anxieux et dépressifs dans une cohorte d’étudiants pratiquant des séances de méditation [25].
6. Messages à retenir
- Un agent stresseur est un stimulus d’origine physique ou psychologique qui perturbe l’état d’équilibre de l’organisme.
- La réponse à un agent stresseur est appelée stress aigu et permet, via l’axe corticotrope (ou hypothalamo-hypophyso-surrénalien) et le système nerveux autonome, de mettre en place un nouvel état d’équilibre, appelé allostasie.
- Lorsque la situation stressante est d’intensité trop élevée ou dure trop longtemps, l’allostasie ne peut être atteinte et le stress chronique peut alors être à l’origine de certaines pathologies, révéler des pathologies sous-jacentes, voire impacter les générations suivantes.
- Pour limiter les effets délétères du stress, il est donc primordial de mettre en place des traitements, que ceux-ci soient médicamenteux (par exemple, β-bloquants) ou non (par exemple, thérapies cognitives et comportementales).
Cet article a initialement été publié en décembre 2021 par Planet Vie sous licence Creative Commons : Stress aigu, stress chronique, méthodes de gestion du stress chez l’Homme. Il a été édité par M. Pascal Combemorel, Responsable éditorial du site Planet-Vie.
Notes et références
Image de couverture. [Source : CIPHR Connect, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons]
[1] L. D. Godoy, M. T. Rossignoli, P. Delfino-Pereira, N. Garcia-Cairasco, &E. H. de Lima Umeoka, « A ComprehensiveOverview on Stress Neurobiology : Basic Concepts and Clinical Implications », Front BehavNeurosci, vol. 12, p. 127, 2018, doi : 10.3389/fnbeh.2018.00127.
[2] Les corticoïdes (ou corticostéroïdes) constituent une classe d’hormones dérivées du cholestérol. Ils sont synthétisés par le cortex des glandes surrénales. Parmi eux, les glucocorticoïdes sont produits par la zone fasciculée du cortex surrénal. Ils agissent sur le métabolisme glucidique et exercent une action anti-inflammatoire. Les glucocorticoïdes produits par les glandes corticosurrénales sont le cortisol (principal glucocorticoïde chez l’être humain), et/ou la corticostérone (principal glucocorticoïde chez les Rongeurs). La cortisone, en réalité l’hydrocortisone, qui est utilisée en thérapeutique, n’a pas d’activité biologique directe : elle doit être métabolisée par le foie en cortisol pour être efficace.
[3] Fink G. Ed., 2000, « Encyclopedia of Stress – 1st Edition ». eBook ISBN:9780080569772.
[4] On entend par « régulations génomiques » des contrôles qui modulent l’expression des gènes (via des facteurs de transcription), par « régulations épigénétiques » des régulations qui agissent sur l’expression du génome sans en altérer sa séquence nucléotidique (méthylation de l’ADN, modifications post-traductionnelles des histones…) et par « contrôles non génomiques » des régulations impliquant des voies de signalisation intracellulaires, de type « second messager ».
[5] L’axe somatotatrope a pour fonction de contrôler la croissance de l’organisme via l’hormone de croissance (GH) et la somatomédine (IGF-1) qui permettent l’apport de nutriments aux cellules et participent au contrôle du rythme des divisions cellulaires. L’axe thyréotrope contrôle la production des hormones thyroïdiennes, T3 et T4, qui exercent des effets pléiotropiques, et agissent entre autres sur le métabolisme cellulaire.
[6] Tassin, J.P., 2021, Le circuit de la récompense. Planet Vie.
[7] Le système limbique correspond à un ensemble de structures corticales et sous-corticales intervenant dans les émotions.
[8] Par contre, si l’individu n’arrive pas à gérer la répétition d’un même événement stresseur, le stress devient chronique (voir partie suivante).
[9] La résilience est la capacité à surmonter un événement traumatique et à ne plus en être affecté.
[10] M. Joëls et T. Z. Baram, « The neuro-symphony of stress », Nat Rev Neurosci, vol. 10, no 6, p. 459‑466, juin 2009, doi : 10.1038/nrn2632.
[11] P. Boucher et P. Plusquellec, « Acute Stress AssessmentFrom Excess Cortisol Secretion : Fundamentals and Perspectives », Front Endocrinol (Lausanne), vol. 10, p. 749, 2019, doi : 10.3389/fendo.2019.00749.
[12] A. Gros, « La neurogenèse adulte chez les mammifères », Planet-Vie, 2018 (accès 3 mars 2023)
[13] Le glutamate est le principal neurotransmetteur excitateur du système nerveux central. Il agit notamment via des récepteurs de type canaux calciques présents sur les neurones et les cellules gliales. Lorsqu’il est libéré en grande quantité, il provoque une excitation massive de ces cellules conduisant à leur destruction.
[14] M.-P. Moisan et M. Le Moal, « [Overview of acute and chronic stress responses] », Med Sci (Paris), vol. 28, no 6‑7, p. 612‑617, juill. 2012, doi : 10.1051/medsci/2012286014.
[15] I. H. Jonsdottir et A. SjörsDahlman, « MECHANISMS IN ENDOCRINOLOGY : Endocrine and immunological aspects of burnout : a narrative review », Eur J Endocrinol, vol. 180, no 3, p. R147‑R158, mars 2019, doi : 10.1530/EJE-18-0741.
[16] C. Tesone-Coelho et al., « Vulnerability to opiate intake in maternally deprived rats : implication of MeCP2 and of histone acetylation », Addict Biol, vol. 20, no 1, p. 120‑131, janv. 2015, doi : 10.1111/adb.12084.
[17] M. Rincel et al., « Environnement précoce et vulnérabilité neuropsychiatrique », Med Sci (Paris), vol. 32, no 1, Art. no 1, janv. 2016, doi : 10.1051/medsci/20163201015.
[18] « ALD n°23 – Troubles anxieux graves », Haute Autorité de Santé.
[19] Comme le RU486, principe actif de la pilule du lendemain, mais initialement développé pour son action antagoniste des récepteurs des glucocorticoïdes.
[20] Les catécholamines sont des molécules caractérisées par la présence d’un noyau catéchol (noyau de benzène avec deux groupes alcools adjacents) associé à une chaîne latérale aminée. Dans le cadre du stress, les deux principales catécholamines sont la noradrénaline et l’adrénaline.
[21] « Anxiete.fr : le site de référence de l’anxiété », Anxiété.
[22] A. S. Rizzo, S. T. Koenig, et T. B. Talbot, « Clinical Virtual Reality : Emerging Opportunities for Psychiatry », Focus (Am PsychiatrPubl), vol. 16, no 3, p. 266‑278, juill. 2018, doi : 10.1176/appi.focus.20180011.
[23] A. Witusik et T. Pietras, « Music therapy as a complementary form of therapy for mental disorders », Pol MerkurLekarski, vol. 47, no 282, p. 240‑243, déc. 2019.
[24] A. Witusik, K. Sipowicz, M. Podlecka, et T. Pietras, « Music therapy and psychotherapy as non-pharmacological methods supporting therapy in medicine – similarities and differences », Pol MerkurLekarski, vol. 48, no 284, p. 139‑142, avr. 2020.
[25] G. González-Valero, F. Zurita-Ortega, J. L. Ubago-Jiménez, et P. Puertas-Molero, « Use of Meditation and Cognitive Behavioral Therapies for the Treatment of Stress, Depression and Anxiety in Students. A Systematic Review and Meta-Analysis », Int J Environ Res Public Health, vol. 16, no 22, p. E4394, nov. 2019, doi : 10.3390/ijerph16224394.
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Pour citer cet article : HARDIN-POUZET Hélène (13 juin 2023), Stress aigu, stress chronique : méthodes de gestion du stress chez l’Homme, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 16 juin 2023 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/sante/stress-aigu-stress-chronique-methodes-gestion-stress/.
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