lundi 19 mars 2018

Les points chauds ne sont pas toujours immobiles

Le point chaud qui a donné naissance à l’archipel de Hawaii aurait eu un mouvement propre il y a entre 60 et 48 millions d'années.
Sean Bailly
Hawaii
L’ensemble des îles de Hawaii, d’Oahu, de Maui, et d’autres, constituent un archipel de 137 îles dans un alignement presque parfait. Elles résultent d'un volcanisme très actif qui prend sa source dans un point chaud, une remontée de roche chaude depuis les profondeurs du manteau. Le panache transperce la plaque tectonique et la lave rejoint la surface. Alors que la plaque se déplace au-dessus du point chaud, celui-ci la perfore en différents endroits et dessine un alignement de volcans, de montagnes sous-marines et d’îles.
Les géologues ont longtemps pensé que la source profonde d'un point chaud était statique et que seul le mouvement de la plaque conduisait à la formation d'un archipel d'îles tel celui de Hawaii. Cependant, la trace dessinée en surface par ce point chaud présente des anomalies qui laissaient penser qu’il n’a pas toujours été statique. Kevin Konrad, de l’université d’État de l’Oregon, aux États-Unis, et ses collègues ont confirmé cette hypothèse en comparant sa trace à celle de deux autres points chauds.
En partant de l’hypothèse que les sources des points chauds sont statiques, les géophysiciens utilisaient la datation des volcans formés par un point chaud pour déterminer la direction et la vitesse de déplacement de la plaque tectonique associée. Cette technique était complétée par les données paléomagnétiques (l’enregistrement des variations passées du champ magnétique dans les roches). Cependant, la trace du point chaud de Hawaii en surface est surprenante lorsqu’on la compare à celle du point chaud de Louisville, située sur la même plaque Pacifique, mais plus au sud, à la limite de la plaque Antarctique. Le point chaud de Louisville est à l’origine de la chaîne de montagnes sous-marines de Louisville, longue de 4 300 kilomètres et découverte en 1972.
Si les sources des points chauds sont statiques, les traces laissées en surface par ceux de Louisville et Hawaii, sur la même plaque tectonique, devraient être quasiment identiques. Mais, entre 60 et 48 millions d’années, la trace du point chaud de Hawaii s’est déplacée vers le sud, ce qu’on n’observe pas pour le point chaud de Louisville. La source du point chaud de Hawaii avait-elle à cette époque un mouvement propre ?
Pour vérifier cette hypothèse, Kevin Konrad et ses collègues ont comparé le mouvement du point chaud de Hawaii à celui de Louisville et à un troisième plus récemment identifié : le point chaud de Rurutu, qui passe près de l’île de Rurutu en Polynésie Française. Il est aussi nommé point chaud d’Arago, car il est responsable de la formation de la chaîne de montagnes sous-marines d’Arago, découverte en 1993.
Avec une méthode de datation isotopique utilisant les isotopes 39 et 40 de l’argon, les chercheurs ont marqué dans le temps la progression du point chaud de Rurutu et la formation de la chaîne de montagnes sous-marines associée. Ils ont ensuite comparé la distance relative des points chauds de Hawaii, Rurutu et Louisville au cours du temps. L’équipe de géophysiciens a ainsi montré que les points chauds de Louisville et Rurutu se sont déplacés en tandem, sans variation marquée de leur distance relative. En revanche, le point chaud d'Hawaii a connu un déplacement d’environ 640 kilomètres par rapport à chacun des deux autres points chauds il y a entre 60 et 48 millions d’années, soit une vitesse de déplacement de près de 53 kilomètres par million d’années. Le point chaud de Hawaï aurait donc bien eu un mouvement propre.
Kevin Konrad et ses collègues ont ensuite utilisé des simulations fondées sur des modèles géodynamiques pour reproduire cet effet. Ils ont montré qu’il est possible d’expliquer les observations si on suppose que les points chauds prennent leur source dans la région du manteau proche du noyau à une profondeur de 2 800 kilomètres. De façon générale, plusieurs hypothèsesont été proposées sur la profondeur à laquelle les points chauds trouvent leur source : juste au-dessus du noyau ou à 670 kilomètres de profondeur, à la frontière entre le manteau inférieur et supérieur. La première piste est privilégiée par de nombreux résultats et trouve avec l’étude du point chaud de Hawaii un nouvel argument en sa faveur.
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