samedi 13 octobre 2018

Pourquoi la perception des couleurs n’est-elle pas parfaitement identique pour chacun de nous ?

12.10.2018 par Bernard Valeur
Vous avez peut-être constaté que les nuances de bleu, de vert, de rouge, etc. ne sont pas perçues de la même façon par tous. Avant de nous pencher sur les raisons de cette surprenante observation, rappelons brièvement la façon dont l’être humain perçoit les couleurs.

Il est évidemment impossible que notre rétine possède autant de capteurs différents que de couleurs distinguables par nos yeux. L’Anglais Thomas Young (1773-1829) l’avait bien compris : il postula qu’il devait exister seulement trois types de photorécepteurs en s’appuyant sur le fait que les peintres mélangent sur leur palette trois couleurs (dites primaires) pour obtenir toutes les autres couleurs. Cette hypothèse sera confirmée par la suite. Ces photorécepteurs sont appelés cônes du fait de leur forme, et désignés par les lettres S, M, L, initiales des mots anglais short, medium, long, en référence à leurs domaines de sensibilité (longueurs d’onde respectivement courtes, moyennes et longues). De ce fait, ils sont généralement décrits comme étant sensibles respectivement dans le bleu, le vert et le rouge, mais en réalité leurs domaines de sensibilité sont larges et se chevauchent. Leurs maxima de sensibilité correspondent en fait au bleu (cônes S), au vert (cônes M) et au jaune-vert pour les cônes L dont la sensibilité s’étend jusque dans le rouge. Et bien sûr tout se joue dans le cerveau qui analyse conjointement les signaux issus des trois types de cônes via les neurones rétiniens (cellules ganglionnaires, bipolaires, etc.) assurant un prétraitement. C’est pourquoi nous pouvons distinguer un grand nombre de couleurs.

Schéma de la rétine indiquant les domaines de sensibilité des trois types de cônes. © Bernard Valeur
La rétine possède une autre classe de photorécepteurs, les bâtonnets. Beaucoup plus sensibles à l’intensité lumineuse que les cônes, ils permettent de voir dans la pénombre, mais le cerveau traduit alors les informations reçues par des images en niveaux de gris. Il est bien connu que la nuit, tous les chats sont gris !
Revenons à la question initiale. Pourquoi les êtres humains, qui possèdent des rétines similaires, ne perçoivent-ils pas les couleurs de façon rigoureusement identique ? (Mettons bien sûr à part les personnes qui souffrent d’anomalies de la vision des couleurs qui seront discutées plus loin). Les raisons en sont les suivantes.
• Le nombre de cônes et leur distribution dans la rétine sont quelque peu différents d’un individu à l’autre ; de plus, les densités relatives de cônes M et L varient dans un rapport significatif selon les personnes.
• Le domaine global de longueurs d’onde auquel les yeux sont sensibles varie selon les individus, ce qui se traduit par une sensibilité plus ou moins grande dans le violet et/ou le rouge.
• L’âge est également un facteur à prendre en considération. On devient en particulier moins sensible à la lumière bleue en vieillissant.
• Et surtout, le cerveau interprète sans cesse les informations que les yeux lui envoient en tenant compte des expériences et des émotions passées. Une même couleur, observée par deux personnes dans des conditions identiques, peut ainsi être décrite différemment par chacune d’elles.

Au fait, avec seulement trois types de cônes, combien de couleurs pouvons-nous distinguer ?

Il est très difficile d’évaluer le nombre total de nuances de couleurs que l’être humain peut discerner car l’aptitude à juger des écarts de couleurs varie notablement selon les conditions d’observation : par exemple, des couleurs juxtaposées se distinguent plus facilement que des couleurs séparées. On ne peut donc estimer qu’une valeur moyenne qui se situe entre 100 000 et dix millions selon les études ! Une façon de procéder consiste à présenter à de nombreux d’observateurs les mêmes échantillons de couleurs peints sur un support, ou bien des couleurs affichées sur un écran d’ordinateur. La moyenne se situe alors à environ deux millions de couleurs discernables. Bien en deçà des 16 millions de couleurs annoncés par les fabricants d’écrans couleur, ce qui ne vous surprendra pas !

Et les daltoniens ?

Extrait des planches d’Ishihara
Extrait des planches d’Ishihara (Source : ici et ici)



Observez les deux figures ci-dessus, extraites des planches d’Ishihara. Pouvez-vous y distinguer des chiffres ? Si vous n’en voyez pas, vous êtes daltonien : vous ne faites pas la distinction entre le rouge et le vert. Cette anomalie de la vision des couleurs est la forme la plus courante de daltonisme (du nom du chimiste anglais John Dalton qui décrivit son propre cas au XVIIIe siècle). D’une façon générale, le daltonisme provient d’une déficience des cônes. L’absence de cônes M empêche de distinguer le rouge et le vert, tandis que l’absence de cônes L rend le rouge indétectable. L’absence de cônes S est beaucoup plus rare.
Question subsidiaire : le daltonisme est-il une affaire de sexe ? Oui : 1 homme sur 12 est daltonien, mais seulement 1 femme sur 200. Pour quelle raison ? La réponse est à chercher dans l’origine génétique du daltonisme car il résulte d’une mutation dans le chromosome X. Puisque les femmes possèdent deux chromosomes X, il suffit que l’un des deux soit sain pour que l’information génétique soit transmise correctement en vue d’assurer le fonctionnement du cône concerné. La situation est différente pour les hommes : ils n’ont qu’un chromosome X, associé à un chromosome Y. Si le chromosome X est défectueux, pas de roue de secours pour eux !
http://www.scilogs.fr/questions-de-couleurs/pourquoi-la-perception-des-couleurs-nest-elle-pas-parfaitement-identique-pour-chacun-de-nous/

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