La diversité génétique africaine enfin étudiée
Les
résultats de la première grande étude transcontinentale du génome des
africains révèlent des aspects méconnus du peuplement du berceau de
l’humanité.
François Savatier
Ces Bushmen de l'ethnie San font partie des populations khoïsans
identifiées au plus ancien substrat génétique africain. Ces
chasseurs-cueilleurs nomades vivaient dans la plus grande partie de
l'Afrique subsaharienne avant que les Bantous n'entrent en expansion.
L'auteur
Francois Savatier est journaliste à Pour la Science.
Du même auteur
Les chercheurs ont analysé deux types de données : d’une part des données génotypiques (les versions de certains gènes) de 1481 individus provenant de 18 groupes ethnolinguistiques différents à travers l’Afrique subsaharienne ; d’autre part les séquençages complets des génomes de 320 individus représentant sept groupes ethnolinguistiques de trois régions distinctes géographiquement, à savoir l’Éthiopie (Afrique du Nord-est), l’Ouganda (Afrique de l’Est) et l’Afrique du Sud.
Ces données fournissent représentation la plus complète de la diversité africaine à ce jour. La sélection représente en effet les trois groupes ethnolinguistiques africains majeurs : le groupe des langues nigéro-congolaises, la plus importante famille de langues africaines (et du monde !) avec 1514 langues, le groupe des langues nilo-sahariennes parlées surtout en Afrique subsaharienne orientale et les langues afro-asiatiques (chamito-sémitiques) parlées dans le Sahara, à l’Est de l’Afrique et au Proche-Orient. Or la formation de ces groupes ethnolinguistiques a déterminé de façon essentielle les sources de gènes et les flux géniques à l’origine de la diversité génétique actuelle de l’Afrique.
Pour commencer, les chercheurs retrouvent dans leurs données la trace de l’expansion bantoue. Cette expansion d'une population paysanne originaire du Cameroun et du Nigéria actuels vers l'Afrique forestière puis orientale et australe se serait produite il y a 3 000 à 5 000 ans. Elle est à l’origine des quelque 450 langues nigéro-congolaises apparentées en Afrique.
Plus surprenant, les chercheurs ont aussi mis en évidence un flux de gènes entre l’Eurasie et l’Afrique de l’Est, survenu entre 7 500 ans et 10 500 ans. Particulièrement évident chez les Éthiopiens, ce métissage entre Eurasiens et Africains traduit ainsi un « retour » dans le berceau de l’humanité des gènes dispersés hors d’Afrique des dizaines de milliers d’années plus tôt lors des vagues successives de sortie d’Homo sapiens hors d’Afrique successives. En masquant dans les données les gènes d’origines eurasiatiques, les chercheurs ont constaté que la diversité génétique africaine décroît fortement, ce qui prouve que les gènes eurasiatiques y ont contribué de façon considérable. Deux interprétations sont possibles : soit la genèse des ethnies découle du mélangea à grande échelle de composantes génétiques différentes, dont la composante eurasiatique ; soit plusieurs petits groupes eurasiatiques se sont dispersés en Afrique, où ils ont ensuite été chacun soumis à une forte sélection, qui a accru la diversité de l’apport eurasiatique global. Ainsi, la fondation du groupe Niger-Congo (bantou), qui représente aujourd’hui la majorité de la population africaine, semble résulter de la contribution d’un très grand nombre d’individus, dont des Eurasiatiques, à l’époque de l’expansion bantoue.
Tout aussi intéressantes sont les traces de gènes buhsmen (ou Khoïsans, des chasseurs-cueilleurs antérieurs à l’expansion bantoue) partout en Afrique. On en trouve même dans le génome ouest-africain, ce qui suggère que les Khoïsans correspondent à une population ancienne qui constituerait le substrat génétique originel de l’Afrique sub-saharienne. Au cours de leur expansion, les bantous auraient repoussé les Khoïsans dans les forêts et les déserts, mais se seraient aussi mélangés à eux.
L’étude de Deepti Gurdasani et de ses collègues ne représente qu’une première exploration schématique du vaste réservoir génétique africain. Particulièrement riche et intéressante, cette étude doit continuer.
http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actu-la-diversite-genetique-africaine-enfin-etudiee-33696.php
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