mercredi 18 février 2015

Exemple de speciation

LE POUILLOT VERDÂTRE
Le pouillot verdâtre (Phylloscopus trochiloides) est un oiseau d’une dizaine de centimètres. On le trouve dans les forêts d’Asie centrale et de Sibérie. On distingue plusieurs sous-espèces de pouillot verdâtre, qui diffèrent par leur plumage et leur chant, mais surtout par leur implantation géographique. Cet oiseau vit en solitaire, en couples ou en petits groupes nomadiques et familiaux de 2 à 3 individus, mais en dehors de la saison de reproduction, il s'associe volontiers à des bandes d'autres espèces de petite taille.
Quand on compare deux sous-espèces voisines géographiquement, on retrouve un certain nombre de caractères communs : les allures des plumages et des chants proches par exemple. De plus la reproduction entre deux sous-espèces voisines géographiquement est possible : elles sont interfécondes.
La carte ci-dessous montre la répartition de 6 sous-espèces de pouillot verdâtre autour du plateau Tibétain.


Les sous-espèces, viridanus et plumbeitarsus, situées au nord du plateau tibétain (en bleu et rouge sur la carte) bien que voisines géographiquement ont des caractères physiques significativement différents, des chants bien distincts, et surtout elles ne peuvent pas se reproduire entre elles. Tout cela alors qu’elles partagent parfois le même territoire.
Phylloscopus viridanust Phylloscopus plumbeitarsus


La reconstitution de l’histoire du pouillot verdâtre permet d’expliquer pourquoi ces individus de la même espèce peuvent autant différer, au point de ne plus être interféconds. Le pouillot verdâtre a très probablement commencé à se développer au sud du plateau tibétain, là où se situe actuellement la sous-espèce trochiloides (en jaune sur la carte).
Puis l’espèce s’est étendue à la fois vers l’est et vers l’ouest, avec de chaque côté de petites variations génétiques. Le plateau tibétain constituant un obstacle naturel infranchissable, les deux branches « Est » et « Ouest » se sont développées indépendamment, ont progressé vers le nord, puis ont fini par se retrouver en Sibérie, au nord du plateau tibétain, en l’ayant contourné chacune par son côté.
Mais au cours de ce voyage de l’évolution, les divergences génétiques progressives des deux branches ont finalement donné naissance à deux sous-espèces suffisamment éloignées pour ne plus être interfécondes. C’est pourquoi sur le territoire situé au nord du plateau tibétain, on retrouve ces deux sous-espèces qui ne se reproduisent pas entre elles.
Le pouillot verdâtre est donc un des rares exemples connus d’espèce en anneau. Il s’agit une espèce formée de plusieurs sous-espèces, chacune pouvant se reproduire avec ses voisines, mais dont les sous-espèces situées aux extrémités sont suffisamment éloignées pour ne plus être interfécondes. Ces espèces en anneau sont rares et surviennent typiquement autour d’un obstacle géographique naturel.


Ainsi le pouillot verdâtre pose un vrai problème aux biologistes. L'exemple du pouillot verdâtre (et celui des autres espèces en anneau) rend difficile la définition du concept même d’espèce.
En effet on considère généralement qu’une espèce est un groupe d’individus interféconds. Si deux individus ne sont pas interféconds, ils appartiennent à des espèces différentes. Sauf qu’on se rend bien compte que dans le cas du pouillot verdâtre une telle classification est impossible car si A est  interfécond avec B, et B avec C , ça n’implique pas automatiquement que A le soit avec C.

A cause des espèces en anneau, la notion d’espèce semble donc bien difficile à définir de manière exacte.  

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