Une expérience de teinture végétale de la laine
Marie-France Guyot et Patrick Boos
p. 59-60
Texte intégral
« Les Gaulois ont des
vêtements étonnants, des tuniques teintes de divers couleurs et brodées
[…] des sayons rayés […] divisés en carreaux serrés et de divers
couleurs. » (Diodore, Bibliothèque historique, V, 30)
- 1 Table ronde d’archéobotanique tenue à Compiègne du 28 au 30 juin 2006.
- 2 Esse est une commune située dans le département de la Charente.
1Pour ne pas cantonner les participants de la table ronde d’archéobotanique1 au champ théorique et à la présentation de résultats scientifiques, les organisateurs ont fait appel aux Gaulois d’Esse 2.
Les membres de cette association maîtrisent des techniques révolues des
teintures végétales. Les couleurs testées en direct sur des mèches de
laine brute au cours de cette journée ont été obtenues par des fleurs,
feuilles, écorces et baies, qui poussent dans leur région et sont
reconnues pour leurs propriétés tinctoriales.
2Depuis juillet 2000, Les Gaulois d’Esse
rassemblent une cinquantaine d’enfants, femmes et hommes. Rebaptisés de
noms gaulois, ils ont constitué une « troupe de reconstitution »
spécialisée dans l’univers des Lémovices, peuple gaulois du Limousin, et
des activités de ses paysans, de ses artisans ou de ses guerriers au Ier siècle
avant J.-C., à l’aube de la guerre des Gaules. Leurs animations
s’appuient sur la documentation archéologique, historique et
linguistique disponible et sur un dialogue avec les autres troupes de
reconstitution celtiques et romaines.
« Les dignitaires gaulois s’habillent de vêtements teints à la cuve. » (Strabon, Géographie, IV, 4-5)
3Les Gaulois d’Esse
expérimentent différentes techniques de teinture à chaud, par
ébullition, ou à froid, par fermentation et savent obtenir 48 couleurs
différentes, toutes à base de plantes. Ils travaillent surtout avec des
racines, baies, plantes, écorces, et lichens, utilisés frais, séchés ou
en copeaux. L’utilisation des plantes essentiellement indigènes,
attestées au second âge du Fer, permet un large panel de variations de
couleur : vert, jaune, brun, gris, orange, violet… foncé ou clair.
4L’expérimentation
effectuée lors des journées d’archéobotanique a porté exclusivement sur
la teinture à chaud. Trois bains furent mis en chauffe : le premier
contenait une décoction d’achillée millefeuille, Achillea millefolium, famille des Astéracées, fleurs. Le second, de séneçon jacobée, Senecio jacobaea, tiges
et fleurs. Cette plante est citée par Jules César dans ses
Commentaires ; il lui donne le nom « d’œil de bœuf ». Le troisième bain
était à base de baies de sureau yéble, Sambucus ebulus.
5Les
décoctions de fleurs ou de feuilles et tiges, ayant macéré quelques
jours auparavant, sont montées doucement en température jusqu’à
ébullition. On laisse mijoter pendant une heure, puis le bain refroidit,
les tiges et les fleurs sont retirées, et la laine bien mouillée au
préalable est alors introduite. Le mordançage à l’alun (principal sel
utilisé), qui fixe la couleur, se fait en même temps mais il peut avoir
été préparé à l’avance. La chauffe reprend ensuite lentement pour
atteindre les 95° C maintenus pendant une heure.
6Les
baies sont écrasées avec un pilon avant macération, puis une seconde
fois pendant la décoction ; pour cela on a soin de les « tordre » dans
un linge fin, pour que les petits morceaux de fruits ne s’intègrent pas
au bain.
7Les
fibres sont laissées dans le bain de teinture jusqu’à refroidissement
complet. Les écheveaux sont ensuite abondamment rincés à l’eau claire
puis mis à sécher à l’ombre. L’emploi de sel cuivreux modifie la couleur
initiale obtenue par décoction. L’apport de sulfate de cuivre, par
exemple, transforme un jaune en vert olive dans un bain de séneçon
jacobée.
8Jusqu’à
présent, la question des récipients n’a pas été résolue pour la
teinture à chaud. On sait par expérimentation que lors des cuissons, le
jus des bains pénétrait fortement dans les céramiques or, aucune poterie
retrouvée en fouille ne présente ce genre de trace. Quant à la teinture
à froid, elle se fait dans des cuves d’argile rubéfiée ou de bois.
9Fig. 5
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