vendredi 3 mars 2017

https://nda.revues.org/621

Une expérience de teinture végétale de la laine

Marie-France Guyot et Patrick Boos
p. 59-60

Texte intégral

« Les Gaulois ont des vêtements étonnants, des tuniques teintes de divers couleurs et brodées […] des sayons rayés […] divisés en carreaux serrés et de divers couleurs. » (Diodore, Bibliothèque historique, V, 30)
  • 1  Table ronde d’archéobotanique tenue à Compiègne du 28 au 30 juin 2006.
  • 2  Esse est une commune située dans le département de la Charente.
1Pour ne pas cantonner les participants de la table ronde d’archéobotanique1 au champ théorique et à la présentation de résultats scientifiques, les organisateurs ont fait appel aux Gaulois d’Esse 2. Les membres de cette association maîtrisent des techniques révolues des teintures végétales. Les couleurs testées en direct sur des mèches de laine brute au cours de cette journée ont été obtenues par des fleurs, feuilles, écorces et baies, qui poussent dans leur région et sont reconnues pour leurs propriétés tinctoriales.
Fig. 1
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Photos de Stéphane Gaudefroy, les Gaulois d’Esse, V. Matterne
2Depuis juillet 2000, Les Gaulois d’Esse rassemblent une cinquantaine d’enfants, femmes et hommes. Rebaptisés de noms gaulois, ils ont constitué une « troupe de reconstitution » spécialisée dans l’univers des Lémovices, peuple gaulois du Limousin, et des activités de ses paysans, de ses artisans ou de ses guerriers au Ier siècle avant J.-C., à l’aube de la guerre des Gaules. Leurs animations s’appuient sur la documentation archéologique, historique et linguistique disponible et sur un dialogue avec les autres troupes de reconstitution celtiques et romaines.
« Les dignitaires gaulois s’habillent de vêtements teints à la cuve. » (Strabon, Géographie, IV, 4-5)
Fig. 2
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Photos de Stéphane Gaudefroy, les Gaulois d’Esse, V. Matterne
3Les Gaulois d’Esse expérimentent différentes techniques de teinture à chaud, par ébullition, ou à froid, par fermentation et savent obtenir 48 couleurs différentes, toutes à base de plantes. Ils travaillent surtout avec des racines, baies, plantes, écorces, et lichens, utilisés frais, séchés ou en copeaux. L’utilisation des plantes essentiellement indigènes, attestées au second âge du Fer, permet un large panel de variations de couleur : vert, jaune, brun, gris, orange, violet… foncé ou clair.
4L’expérimentation effectuée lors des journées d’archéobotanique a porté exclusivement sur la teinture à chaud. Trois bains furent mis en chauffe : le premier contenait une décoction d’achillée millefeuille, Achillea millefolium, famille des Astéracées, fleurs. Le second, de séneçon jacobée, Senecio jacobaea, tiges et fleurs. Cette plante est citée par Jules César dans ses Commentaires ; il lui donne le nom « d’œil de bœuf ». Le troisième bain était à base de baies de sureau yéble, Sambucus ebulus.
Fig. 3
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Photos de Stéphane Gaudefroy, les Gaulois d’Esse, V. Matterne
5Les décoctions de fleurs ou de feuilles et tiges, ayant macéré quelques jours auparavant, sont montées doucement en température jusqu’à ébullition. On laisse mijoter pendant une heure, puis le bain refroidit, les tiges et les fleurs sont retirées, et la laine bien mouillée au préalable est alors introduite. Le mordançage à l’alun (principal sel utilisé), qui fixe la couleur, se fait en même temps mais il peut avoir été préparé à l’avance. La chauffe reprend ensuite lentement pour atteindre les 95° C maintenus pendant une heure.
6Les baies sont écrasées avec un pilon avant macération, puis une seconde fois pendant la décoction ; pour cela on a soin de les « tordre » dans un linge fin, pour que les petits morceaux de fruits ne s’intègrent pas au bain.
7Les fibres sont laissées dans le bain de teinture jusqu’à refroidissement complet. Les écheveaux sont ensuite abondamment rincés à l’eau claire puis mis à sécher à l’ombre. L’emploi de sel cuivreux modifie la couleur initiale obtenue par décoction. L’apport de sulfate de cuivre, par exemple, transforme un jaune en vert olive dans un bain de séneçon jacobée.
8Jusqu’à présent, la question des récipients n’a pas été résolue pour la teinture à chaud. On sait par expérimentation que lors des cuissons, le jus des bains pénétrait fortement dans les céramiques or, aucune poterie retrouvée en fouille ne présente ce genre de trace. Quant à la teinture à froid, elle se fait dans des cuves d’argile rubéfiée ou de bois.
Fig. 4
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Photos de Stéphane Gaudefroy, les Gaulois d’Esse, V. Matterne
9Fig. 5
Photos de Stéphane Gaudefroy, les Gaulois d’Esse, V. Matterne

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