Pourquoi résiste-t-on (parfois) à la tentation ?
L’hippocampe, siège cérébral de la mémoire
épisodique, permet aussi d’imaginer des événements futurs. Cette
fonction joue un rôle clé lorsqu'on choisit une récompense à long terme
au détriment d’une satisfaction immédiate.
Bénédicte Salthun-Lassalle : http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actu-pourquoi-resiste-t-on-parfois-a-la-tentationa-32320.php
Les participants qui préfèrent patienter pour un bon dîner dans un
mois plutôt que de manger tout de suite un paquet de chips présentent
une activation supérieure de l'hippocampe (en rouge ; en bleu : anatomie de l’hippocampe).
Pour en savoir plus
M. Lebreton et al., A critical rôle for the hippocampus in the valuation of imagined outcomes, PLoS Biology, en ligne le 22 octobre 2013.
L'auteur
Bénédicte Salthun-Lassalle est journaliste à Pour la Science et Cerveau & Psycho.
Ce fraisier dans la vitrine du pâtissier
vous fait de l’œil… Ou bien ce petit verre en terrasse au soleil… Ou
encore cette cigarette à la pause café… Pourquoi résister ? Peut-être
parce que votre santé ou votre bien-être risquent d’en pâtir à long
terme. À long terme : là est la difficulté. Pourquoi certaines personnes
résistent aux plaisirs immédiats – pour garder la ligne par exemple –,
alors que d’autres cèdent souvent – au détriment de leur santé ?
L’équipe de Mathias Pessiglione, de l’Institut du cerveau et de la
moelle épinière et de l’Université Pierre et Marie Curie à Paris, a
montré que l’hippocampe, siège cérébral de la mémoire épisodique, joue
un rôle central dans la prise de décision, notamment parce qu’il permet
aussi d’imaginer des événements futurs.
Les neuroéconomistes s’intéressent aux
choix inter-temporels depuis des décennies : comment choisir entre des
récompenses modestes, mais immédiates, et des bénéfices importants, mais
lointains ? Jusqu’à présent, on étudiait ces décisions en proposant à
des volontaires de choisir entre des options combinant un enjeu
monétaire et un délai, par exemple gagner 10 euros immédiatement ou 50
euros dans un mois. Ces études, réalisées en imagerie cérébrale
fonctionnelle, ont montré que les participants qui savent patienter
présentent une activité plus importante de la région dorsolatérale du
cortex préfrontal, une aire impliquée dans la maîtrise du comportement.
Mais ce ne serait pas tout. Car, selon
les neuroscientifiques français, « on peut percevoir une récompense
immédiate avec les sens – on goûte au fraisier ou au verre de vin –,
alors que l’on ne peut qu’imaginer les récompenses futures. » Pour
déterminer si l’imaginaire entre en jeu quand on doit résister à la
tentation, les neuroscientifiques ont proposé à une vingtaine de
volontaires des choix inter-temporels faisant intervenir des options
concrètes, tels des aliments ou des activités culturelles ou sportives.
Ces options étaient présentées soit sous forme de photographies (pour
les récompenses visibles immédiatement), soit sous forme de textes (pour
les récompenses futures que l’on doit alors imaginer). Pendant que leur
activité cérébrale était enregistrée en imagerie par résonance
magnétique fonctionnelle, les participants devaient répondre à des
questions telles que : « Préférez-vous un paquet de chips maintenant ou
un dîner sur un bateau parisien dans un mois ? » ; « Préférez-vous une
heure de bowling gratuit maintenant ou une place pour la finale de
Roland Garros en juin prochain ? » ; ou encore « Préférez-vous une
visite à la Ménagerie du Jardin des plantes maintenant ou une place de
concert dans un club de jazz parisien dans un mois ? ».
Par rapport aux individus optant pour la
récompense immédiate et directement observable, les personnes qui
choisissaient les récompenses futures et imaginées présentaient, au
moment où elles se décidaient, une activité supérieure de leur
hippocampe, une région impliquée dans la mémorisation des épisodes
passés. Cette partie du cerveau est aussi une des premières atteintes –
elle s’atrophie – chez les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer.
Or de tels patients soumis à la même expérience ont tendance à préférer
la récompense immédiate, c’est-à-dire la photographie, beaucoup plus
souvent que des sujets sains. Ce comportement pourrait être dû à leur
incapacité à imaginer les récompenses proposées dans le futur, en raison
de la dégradation de leur hippocampe.
L’effort d’imagination pour se
représenter une récompense ultérieure pourrait donc expliquer pourquoi
on cède à la tentation, plutôt que de réfléchir sur le long terme.
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