mercredi 18 mars 2015

Vers de nouveaux anti-inflammatoires


Des chercheurs de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC, CNRS/Inserm/Université de Strasbourg) viennent de découvrir un nouveau mécanisme d’action des glucocorticoïdes, hormones couramment utilisées pour leur activité pharmacologique anti-inflammatoire. Ces travaux publiés le 15 avril 2011 dans le périodique Cell, bouleversent nos connaissances des processus d’action des récepteurs nucléaires et offrent de nouvelles perspectives thérapeutiques particulièrement prometteuses.



Les glucocorticoïdes, le cortisol et ses analogues synthétiques, sont aujourd’hui des molécules très largement utilisées en tant qu’anti-inflammatoires. Leurs nombreux effets secondaires (fonte musculaire, ostéoporose, diabète…) préviennent cependant leur utilisation prolongée. C’est pourquoi l’industrie pharmaceutique s’évertue depuis de nombreuses années à les limiter, en recherchant de nouvelles molécules qui n’auraient que les effets thérapeutiques anti-inflammatoires bénéfiques des glucocorticoïdes.
Les effets des glucocorticoïdes sont relayés par un récepteur nucléaire spécifique auquel ils se lient, ce qui permet au complexe formé par leur association de pénétrer à l’intérieur du noyau de la cellule et d’y contrôler l’expression de gènes-cibles, soit en activant leur transcription en ARN, soit en la réprimant. Deux voies de régulation ont été décrites à ce jour. La première agit en réprimant l’expression de gènes impliqués dans les phénomènes inflammatoires. Le mécanisme mis en jeu dans cette répression est de type indirect : le complexe hormone-récepteur bloque indirectement la transcription du gène cible en se liant à un facteur activateur de la transcription, tel que NFκB, qui est lui-même directement et sélectivement lié à un site régulateur de ce gène cible. La seconde voie de régulation permet quant à elle d’activer l’expression d’autres gènes intervenant dans le contrôle homéostatique de fonctions vitales. Ce processus d’activation est de type direct : le complexe hormone-récepteur reconnaît un site de fixation spécifique, (+)GRE, sur l’ADN du gène-cible et s’y lie directement, sans intermédiaire, déclenchant ainsi la transcription du gène en ARN. Cette voie est également responsable de nombreux effets secondaires liés à l’administration thérapeutique prolongée de glucocorticoïdes.
Malgré une bonne connaissance des mécanismes qui sous-tendent ces deux voies, les chercheurs de l’industrie pharmaceutique n’ont jusqu’à présent que peu progressé dans leurs nombreuses tentatives d’obtenir des molécules dites « dissociées » qui, ne possédant que les propriétés anti-inflammatoires des glucocorticoïdes, seraient débarrassés de leurs effets indésirables. Ces échecs ont amené certains à penser que les deux mécanismes étaient peut-être indissociables.
Les récents travaux d’une équipe de l’IGBMC (1) ont révélé une toute nouvelle voie d’action pour les glucocorticoïdes. Etudiant les mécanismes moléculaires impliqués dans la pathogénie d’une maladie inflammatoire de la peau, la dermatite atopique (ou eczéma) qui peut être traitée par application de glucocorticoïdes, les chercheurs ont émis l’hypothèse que l’efficacité de cette thérapie repose sur la répression d’un gène codant pour une protéine à l’origine de cette affection et ont découvert l’existence d’un troisième mécanisme de régulation de l’expression des gènes par les glucocorticoïdes. La répression mise en évidence est ici de type direct : le complexe hormone-récepteur se lie directement, sans intermédiaire, à un site spécifique (IR nGRE) sur l’ADN du gène-cible pour en réprimer la transcription. Ce site est remarquablement différent de celui intervenant dans le processus d’activation directe de la transcription, ce qui explique probablement pourquoi la voie de répression directe par les glucocorticoïdes n’a été que récemment identifiée.
Reste maintenant à comprendre comment la nature du site de fixation peut convertir le même récepteur lié à la même hormone en un activateur ou en un répresseur de l’expression des gènes. La signification physiologique d’une telle régulation est en revanche évidente : elle augmente considérablement les possibilités de contrôler l’expression coordonnée d’un grand nombre de gènes par des variations du taux d’une seule hormone. Une question supplémentaire se pose : d’autres récepteurs nucléaires ont-ils de semblables propriétés dans la régulation de gènes ?
Les travaux des chercheurs de l’IGBMC ouvrent également des perspectives thérapeutiques prometteuses (2). En effet, ils montrent que la répression directe de certains gènes contribue aux effets secondaires indésirables de l’administration prolongée de glucocorticoïdes à haute dose. Ceci laisse espérer, en offrant de nouvelles voies à la recherche, le développement de nouvelles molécules dont l’administration n’aurait, pour l’essentiel, que les effets anti-inflammatoires bénéfiques des glucocorticoïdes qui relèvent du mécanisme de répression indirecte.






Figure : Représentation schématique de la régulation de la transcription par les glucocorticoïdes illustrant la transactivation directe et les transrépressions directes et indirectes de gènes-cibles impliqués dans les effets débilitants et bénéfiques de l’administration thérapeutique des glucocorticoïdes. © IGBMC, P. Chambon




Notes
  • (1) Ces travaux ont bénéficié du soutien de l’Association pour la recherche à l’IGBMC (ARI).
  • (2) Une demande de brevet a été déposée sur ce nouveau mécanisme de régulation génétique par les glucocorticoïdes, qui est probablement à l’origine de leurs nombreux effets secondaires.

En savoir plus
Widespread negative response elements mediate direct repression by agonist-liganded glucocorticoid receptor, Milan Surjit, Krishna Priya Ganti, Atish Mukherji, Tao ye, Guoqiang Hua, Daniel Metzger, Mei Li, Pierre Chambon, Cell 145(2):224-241, April 15, 2011, doi:10.1016/j.cell.2011.03.027.
http://www.cnrs.fr/insb/recherche/parutions/articles2011/p-chambon.htm

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